Sorti de l’ombre d’un chemin, un enfant à la chevelure bohème s’est installé à mes côtés.
Dessine moi un arbre me dit-il, après un grand silence.
Un arbre ? Tu ne préfères pas que je te dessine un mouton ? Je croyais que tous les enfants préférais les moutons.
Moi, je n’aime pas beaucoup les moutons. Ils bêlent tout le temps, ils sentent le suint et foncent n’importe où sans réfléchir quand ils ont peur.
J’avais envie de lui faire plaisir et me mis tout de suite à l’œuvre.
Tiens, voilà ton arbre. Bien grand, avec de grosses branches fortes et noueuses comme des bras de géant et coiffé d’une belle chevelure verte à son sommet.
Pas mal du tout, mais ton arbre est-ce qu’il parle ?
Je n’ai jamais entendu un arbre parler, lui dis-je.
Même dans ta tête ?
Euh non ! Bien franchement.
Pourtant regarde et écoute celui-ci avec sa branche cassée comme il geint lorsque le souffle venu de la mer secoue son membre estropié.
J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien.
Tu n’entends rien peut-être parce que tes oreilles sont devenues insensibles au malheur. Sais-tu aussi qu’on entend mieux avec un bon regard. Tu as peut-être aussi besoin d’une bonne paire de lunettes.
Je ne savais pas quoi lui répondre. À vrai dire les réflexions des enfants m’avaient toujours laissé dubitatif quant à leur évidence. Ce n’était pas ce gamin qui allait me donner des leçons.
Montre-moi ces autres dessins que tu caches dans ton grand carnet noir. Il se mit à feuilleter le carnet avec grande attention et pour chaque dessin ne m’épargna pas ses commentaires.
Cet arbre là est bien discret, fondu dans le paysage. Je le sens rêveur. Il n’ose pas se montrer dans la lumière et se cache derrière ses voisins présomptueux. Leur orgueil est pour lui l’assurance de sa tranquillité. Vois comme il maîtrise ses branches pour gagner en humilité et survivre à proximité des géants. Celui-là, je l’aime bien pour tout ce qu’il ne dit qu’à demi mot.
Alors cet arbre là ne parle pas vraiment ?
C’est vrai, celui-là il ne parle pas beaucoup mais tout est dit dans son allure.
C’est bien compliqué tout ça, je ne comprends rien à ce que tu me racontes. Et ceux là, ils te parlent comment ?
Ceux-là, chétifs et souples, pliant sous le poids de leur feuillage mouvant dans l’éclat du jour, jettent à tout moment des flash argentés comme un banc de sardines surexcité. Ils sont joyeux, plein de vie, de jeunesse. Ils cherchent à attirer le regard. C’est pour ça qu’ils sont si beaux. Et puis ceux-ci encore qui émergent de l’ombre pour profiter de l’air chaud, dessinent de leurs troncs rosés des arcs tendus à l’assaut de la lumière. Ce sont des aventuriers, des conquérants de terres vierges, de véritables colonisateurs. Tous les arbres réunis dans ton carnet de dessins ont tous une personnalité particulière. Observe leur peau rugueuse ou lustrée qui court de leurs racines au plus haut de leur faîte. Admire leur toison qui change de couleur au gré des saisons pour le simple plaisir d’embellir ta vie. Touche leur corps somptueux et équilibré qui les fait tenir sur une jambe même en pleine tempête.
Tu vois, au delà des apparences ils ont tous quelque chose à nous dire. Et ce n’est pas tant qu’ils aient réellement à nous parler que nous qui avons à les observer et à les comprendre.
Tiens je vais te dessiner mon arbre préféré, me dit-il.
De sa petite main, il effleura la feuille blanche par des mouvements circulaires. Il semblait caresser le papier et le dessin apparaissait comme par magie. Un sourire aux lèvres et satisfait de son œuvre il me tendit le cahier et disparut aussi secrètement qu’il était apparu.
Je restais là, à regarder son magnifique dessin. Un arbre de vie ! Il m’avait dessiné un joli arbre de vie. Sous mes yeux lunettés et stupéfaits, je vis le dessin de l’arbre s’animer et les branches avec ses feuilles se mettre à danser.
Relevant la tête vers le paysage, je me mis à regarder l’arbre campé devant moi avec un œil neuf et interrogateur.
Aujourd’hui encore, j’en suis à me demander si tout cela était bien réel. Dans mon carnet de dessin, l’arbre de vie qu’avait dessiné l’enfant a disparu, remplacé désormais par une simple page blanche.
bonne année Serge, et bravo pour ce texte rempli de poésie et de sensibilité.. et que dire de tous ces dessins et peintures d’arbres.. que c’est prolixe ! je te félicite de savoir t’inspirer des belles choses qui nous entourent, alors que tant d’autres ne savent pas les observer.. tu es un révélateur pour tous ceux là, de la merveilleuse pleinitude de la nature…
au près de mon arbre je vivais heureux
C’est vrai que les arbres ont des similitudes avec les humains dans la forêt d’huelgoat il paraît qu’il y en a qui parle et moi qui suis un vieux tronc je parle aussi, bref tout se croise dans ce monde. Bonne année à toutes et à tous
Beau texte qui nous fait rentrer dans ton état d’esprit…Belles peintures d’arbres, l’avant dernière peinture me fait penser à “mon” géant de chêne qui a été foudroyé lors de la tempête du 12 aout 2021 juste en bordure de mon jardin, le vide soudain! Désolation! Moi aussi j’aime beaucoup les arbres, merci.
Bonne année 2022, surtout une excellente santé qui est la clef de tous tes projets!
Bonne année 2022 !
Pleine d’arbres…
…Les arbres me parlent déjà. Maintenant je m’attache à bien les observer. Ils hantent mes nuits et mes jours ;-)))
Le premier visuel est une photo que j’ai traitée dans Photoshop, façon vieux cliché sur plaque de verre.
Tu es mur pour créer des livres pour enfants…le superbe visuel qui ouvre le blog, de l encre ? Broux de noix ? …très beau….je pense que les arbres finiront par te parler…..