Pendant les chaudes journées qui voient le thermomètre rougir inexorablement dès le point du jour, je n’ai qu’une envie, fuir vers une de ces contrées qui inspirent la fraîcheur. Je rêve de l’Écosse et de ses brouillards enveloppants, de l’Islande, et même plus, de Norvège avec son Spitzberg, des confins d’Ushuaïa que sais-je moi…
Finalement, un petit tour à la mer pour y trouver un peu d’air du large devrait suffire à me ressourcer. Tant pis pour le Spitzberg, ça sera direction Le Tréport à 200 km environ.
Ça commence mal. À peine quitté le parking et au bout de 5 minutes de route, embouteillage monstrueux en raison des travaux d’été. Je ne comprends pas pourquoi les travaux débutent toujours au début de l’été. Entre les vacanciers qui vont d’un point à un autre et ceux qui continuent de travailler, la circulation est nettement aussi importante que pendant le reste de l’année. Une demi-heure à piaffer cul à cul, dans la puanteur des gaz d’échappements. Des milliers de véhicules s’étirent sur des centaines et des centaines de mètres en lançant ici et là des éclats brillants de tôles déjà surchauffées.
Le voyage se mérite et s’exfiltrer le matin de la zone nerveuse et susceptible qui ceinture la région parisienne n’est pas une mince affaire.
Il faut aborder Le Tréport par la petite route touristique D126, qui domine la mer et dessert d’une part de vastes parkings ainsi que l’accès au funiculaire. De l’esplanade qui surplombe la ville, la vue est absolument superbe et sous nos yeux, se dessine avec précision les maisons comprimées du vieux quartier des Cordiers. Une ville miniature apparaît ourlée d’émeraude. Au fond, les falaises de Mers-Les-Bains se dressent dans le léger voile atmosphérique. À droite, la vallée de la Bresle s’enfonce doucement à l’intérieur des terres agricoles. Indifférents à notre présence, les goélands accompagnent leur vol planant par des raillements sonores et incessants.
De manière incongrue, une balustrade ornée de deux vasques s’ouvre sur un ciel gigantesque. Au XIX ème siècle s’imposait là un luxueux hôtel qui comptait parmi les plus beaux palaces de France. Avec ses centaines de chambres, il accueillait Français et Anglais argentés. L’un des propriétaires de cet hôtel eut l’initiative de la construction du funiculaire (1908) qui permit à ses clients une liaison facile avec la ville. Hôpital militaire pendant la guerre 14-18, l’édifice prestigieux allait finir en décombres, dynamité par les Allemands en 1942. L’escalier d’entrée, rescapé du désastre et restauré par la ville demeure un modeste souvenir d’un glorieux passé touristique.
Tout proche (outre l’éternel débit de boissons) le bâtiment du funiculaire. Vous ne me croirez pas…il est gratuit ! La descente dure une minute et vous n’aurez pas le grand frisson tant la mécanique vous transporte en douceur. Monter et descendre est un jeu d’enfant. Un bouton pour appeler, un pour monter, un pour descendre. Quatre cellules effectuent la navette sans discontinuer. Garer sa voiture en haut des falaises et visiter la ville à pied est d’un confort absolument appréciable.
Le Tréport n’offre pas la plus belle plage de la côte d’Albâtre. Le gris est la couleur dominante. Les galets sont partout présents et crissent à la moindre vaguelette. Le front de mer se découvre pratiquement au pied du funiculaire. De celui-ci au phare, il est quelconque, cimenté, accompagné d’une barre d’immeuble des années 60/70 qui marque la ville d’une empreinte modeste.
Il faut passer le Casino pour trouver face au port, quai François 1er, les façades serrées et chatoyantes abritant de nombreuses échoppes et restaurants. Quelques touristes jouent leur rôle et nous allons aussi nous fondre parmi eux.
C’est là sur le port que se prépare le petit voyage en mer, qui nous mènera au pied des hautes falaises crayeuses de Mers-Les-Bains. Tout au loin Ault et au delà encore, la passe qui s’ouvre sur la baie de Somme. Nous faisons le plein de couleurs, de fraîcheur marine et de gasoil par la même occasion. Le retour sur le pavé à l’heure où le soleil est à la verticale, nous entraîne invariablement vers les restaurants aux terrasses largement ouvertes.
Une petite pause s’appréciera tout naturellement autour d’un déjeuner de plats de poissons. On peut toujours espérer en bord de mer et dans un port y déguster un poisson meilleur qu’ailleurs. Incertitude !
Dominant le port et la ville, l’église Saint-Jacques se dresse puissante sur un emplacement choisi dès le XI ème siècle.
Les ruelles montantes, nous mènent tranquillement vers l’édifice. Il est bâti sur les ruines de l’ancienne église paroissiale et le cimetière, effondrés au cours de la tempête de 1360. L’église est reconstruite, mais cette fois ce sont les Anglais et les Huguenots qui rasent le bâtiment. La troisième fois est la bonne, dans la deuxième moitié du XVI ème siècle, l’église Saint-Jacques s’installe définitivement sur le coteau. Le monument est typique de la région avec ses façades en damiers de grès sombre et de silex qui lui donnent une apparence un peu particulière.
À l’intérieur, une belle lumière exalte les 3 nefs en pierre de taille, de grès et de silex. Comme par enchantement un rayon dessine dans l’espace un bouquet de fleurs blanches en une offrande silencieuse.
Le porche du clocher, tour carrée qui protège l’entrée des vents venus de la mer, découpe dans son embrasure le port et l’immensité du ciel tout en transformant la moindre silhouette en théâtre d’ombres.
Notre promenade se traîne gentiment dans les ruelles du quartier des Cordiers. Lové au pied des falaises, ce quartier s’est construit au début du XVIII ème siècle. Les marins trop modestes financièrement pour se payer des filets, pratiquaient la pêche avec de longues cordes garnies d’hameçons et de vers de mer. D’où ce nom de Cordiers. Les rues sont étroites, parallèles comme pour couper l’action des mauvais vents.
Les petites maisons sont toutes étagées et décorées de balcons, de bow-windows, de statues et de motifs marins. Certaines entrées sont décorées de carreaux de céramique en faïence ou en grès et portent des noms amusants ou familiers. À l’emplacement même de ce quartier, Hitler souhaitait commencer l’édification du mur de l’Atlantique.
Avec le même flegme mécanique, le funiculaire nous remonte sans à coup sur le plateau calcaire où nous retrouvons notre voiture à l’intérieur chauffé à blanc. La climatisation nous accompagnera pendant les 2 h 30 du trajet retour. Malgré mes précautions pour ne pas subir l’embouteillage du matin, et modifiant l’itinéraire, nous rencontrerons tout de même un bouchon dû aux travaux. Des 25° affichés au Tréport, le retour en région parisienne se soldera par une température au delà des 35°.
Le Tréport, Mers, Dieppe….toute mon enfance. J’y suis allée souvent, glacée jusqu’aux os dans une mer plus que fraîche …. donc un petit gout d’enfance bien que des choses aient un peu changé. Tout le charme de l’authentique, de la ballade de la journée que l’on avait attendu avec fébrilité, une sorte de récompense….Tout cela fort bien écrit et …décrit. Les photos sont originales et pleines d’un charme désuet.
Oui le plaisir de lire et de voir est toujours là , tu arrives à nous tenir en haleine,alors on se promène , on s’ évade, on apprend … et l’ on se sent privilégié de partager ces moments avec toi !
Merci, Serge, pour la visite agrémentée de belles photos et de tes mots qui se lisent si bien.
Merci Serge pour cette évasion aussi magnifique que passionnante
Il fut un temps où j’allais au Tréport guidé par des motivations lointaines des approches artistiques où historiques que Serge me fait découvrir connaître et aimer mais j’aimais déjà le Tréport pour bien d’autres raisons…..
Il fut un temps où j’allais au Tréport guidé par d’autres inspirations que la splendeur des paysages et des ambiances maritimes que je découvre maintenant dans le reportage de Serge qui je crois reflète bien la vie la couleur la joie bref l’effervescence qui règne dans cette ville séparant la Normandie de la Picardie
Bonjour, j’ai déjà relu deux fois, oui je retiens moi aussi les falaises, et les photos dans l’église, et vos mots, comme ceux qui parlent que pas loin il y a Ault et la baie de Somme, je sais que vous avez entre autres multiples choses que je ne connais pas de Vous, que vous avez déjà éditées une ou des bandes dessinées, et en vous lisant, ma question est : avez vous déjà édité un livre ? sous n’importe quelle façon qu’un livre puisse être, mots ou mots et photos, j’aime lire, de plus il y a là, le petit côté guide et Histoire, et merci aussi pour çà, j’ai déjà représenté ce phare, mais j’ai tellement de phares que je ne sais plus quelle aqua est la bonne, çà c’est moi, et une de nos différences, vous le Mr très structuré, à vous suivre encore …. à quand la prochaine fraîcheur recherchée ?
sympa cette visite du Treport que tu as fait avec de meilleures conditions metéo que celle de ma visite au printemps 2015, en remontant vers Ault la côte est superbe mais les falaises se dégradent de façon importante