Le petit matin est gris, poisseux, de cette humidité lourde qui pénètre lentement jusqu’au plus profond des os. J’espère une lumière qui finalement n’arrivera jamais.
Près de la ferme et tout le long du chemin qui borde la bergerie et les prairies, le sol exhale des odeurs animales. Je saute d’une zone herbeuse à une autre. J’évite les flaques jaunâtres colorées de purin et les mottes de boue grasse que les tracteurs ont propulsé sur les bas-côtés. Les “salers” intriguées m’observent comme un étranger “paumé” dans cette brume matinale. Leur robe rouge bouclée, est recouverte d’une fine couche de gouttelettes. Je leur parle. Les vaches semblent m’écouter. Semblent seulement ! Insensible à l’humidité ambiante, d’un mouvement coordonné, elles se retournent lentement vers le râtelier débordant du foin du matin. Leur gros cul dirigé vers moi m’apparaît comme le signe d’une profonde indifférence. Tant pis, nous n’aurons désormais plus rien à nous dire. La campagne est muette, rase, figée. Chaque son est étouffé, paraît joué derrière l’horizon. Des formes spectrales émergent de temps à autre au détour d’un chemin gras, au sortir d’un bosquet moite. Une pauvre libellule agrippée à une tige de chardon, tente de survivre au-delà du raisonnable. Une enveloppe de cristal liquide, momifie son corps grêle et ses ailes démesurées. Les arbres jouent au théâtre des ombres chinoises quand ils ne s’inclinent pas pour un baiser vers la terre maternelle. Les rus improvisent dans les chemins creux des escapades en suivant des voies libertaires. C’est l’époque ou la nature ne sait plus ou est sa véritable place. C’est l’entre saison. L’espace temps semble parti à la dérive. Est-il possible de rejoindre “Cul Froid” par ces chemins défoncés et ces routes noires qui semblent se diriger vers l’enfer ? “Haute Souris”, ne serait-il pas un village né de l’absurde où tous les habitants portent grandes oreilles et museau pointu ? De frêles barrières tentent parfois de circonscrire quelques espaces privés. De hauts murs, une grille en fer s’efforcent de protéger les vivants de l’incursion des morts. Sur cette campagne désolée nul être pourtant ne semble à même de recevoir leur visite. Une chapelle aux moellons disloqués, accablée d’un lierre dévorant, laisse filer dans ses plaies béantes les frissons humides de la plaine.
Salut Serge
Jolie reportage
Encore un nom de village peu commun , il me fait penser à celui que l’on avait traversé en VTT dans l’Essonne : “ecoute il pleut ”
Tu te souvient ?
Bye bye
Superbe Serge
Les hôtes des prés du coin n’invitent pas à passer les barrières mais leur caractère rustique renforce cette atmosphère d’un ciel sombre et bas même si à chaque fois une lueur semble vouloir nous faire entrevoir une éventuelle éclaircie.
Très jolie cliché, je trouve que les dégradés des gris et des blancs ce marie bien et donne du vivent aux photos .
Quelque soit le sujet, quelque soit la lumière, tu sais toujours nous offrir ton regard unique !
Quand les mots sont aussi des images.
Chaque fois Serge nous fait un voyage de ce qu’ il ressent et nous le fait partager.
…. Il devient ainsi source d’ inspiration pour celui qui se trouve derrière son écran 🙂
Je trouve très audacieux de passer à 8 jours d’intervalle de “nus d’automne” à “cul froid”… Les deux sujets n’en sont pas moins magnifiques !!