De ma fenêtre, j’ai vue sur une petite rue en sens unique dédiée autant à la circulation des voitures qu’aux cyclistes. Cette voie est à certaines heures très passagère car elle donne accès d’une part à l’église et à l’entrée de la forêt et d’autre part à un modeste centre commercial. Le matin assez tôt et en fin d’après-midi, ce sont les sportifs, cyclistes et joggers que je vois passer en direction de la forêt. Vers dix heures, les cabas et chariots sont les plus nombreux sur les trottoirs à se diriger vers le centre commercial. Au cours de la journée tout un petit monde défile d’un côté et de l’autre en toute tranquillité. En général, le week-end quand il fait beau, beaucoup de promeneurs déambulent avec les enfants. C’est la promenade rituelle, le petit tour dans les bois. Et puis la messe du dimanche matin a aussi ses habitués. Les fidèles se remarquent tout de suite à la manière dont ils portent des tenues peu appropriées à la balade en forêt. Je n’oublie pas bien entendu les sorties du chien plusieurs fois dans la journée. Depuis des années cette circulation de personnages m’est assez familière et je finis par connaître un certain nombre de visages. Sans qu’ils le sachent, ils sont devenus une ponctuation dans ma journée.
J’ai pu me réjouir à une certaine époque de ces passages quotidiens qui distrayaient mon assiduité devant l’ordinateur ou le chevalet. Depuis lundi 16 mars, premier jour du confinement général, j’ai vu la rue perdre peu à peu son effervescence, abandonner au vide et au silence tout l’espace public. Et c’est quand même étrange d’éprouver aujourd’hui autant de plaisir devant ce vide urbain et de l’estimer comme un bienfait. Je constate avec soulagement que la civilité commence à se développer un peu partout dans la cité (sauf sans doute en Seine St Denis ou persistent des foyers de brutalité et d’insolence et aussi auprès des joggers véritablement shootés aux endorphines). Car on le sait maintenant, la propagation de ce virus ne se répand qu’au gré de nos propres déplacements.
On exaltait la proximité, la relation à l’autre aussi physique que possible et l’on rejetait au diable toute cette technique du virtuel, susceptible de nous déshumaniser. Aujourd’hui, on installe “Skype et Messenger” partout pour se parler, pour se voir. Le confinement ça sauve” les vieux, les plus fragiles”de l’infection virale et en même temps, ça les isole de leur famille. L’informatique avec les réseaux sociaux, recrée les liens absents ou nécessaires, facilite les échanges, redonne de l’utilité et de la considération à cet univers tant décrié. Je reste dans bien des cas très critique quant à ces réseaux sociaux tout en reconnaissant que dans certaines circonstances ils ont leur rôle à jouer et possèdent une certaine efficacité. Mais pour l’heure, je dois m’habituer à ce que ma rue soit devenue terriblement vide.
(Je mentionne J12 car j’ai commencé ma retraite le 12 mars)