Le lac de Guerlédan

le barrage de Guerlédan entièrement découvert en mai.

le barrage de Guerlédan entièrement découvert en mai.


Le lac de Guerlédan à la limite du Morbihan et des Côtes d’Armor, allait être vidé afin de procéder à un minutieux examen technique du barrage du même nom. La vidange d’un lac, d’un étang ou de toute autre étendue d’eau maîtrisée par l’homme, est toujours un moment extraordinaire. La pratique attire bien toujours une foule très curieuse.

Aujourd’hui, avec une campagne media d’importance nationale, plaçant l’assec du lac sous le signe d’un événement exceptionnel et rare, il fallait vivre hors du temps pour ignorer la chose. L’idée de barrer le canal de Nantes à Brest au niveau de l’écluse de Guerlédan est imaginée dès 1921. Il faudra près de dix ans pour édifier le barrage et son inauguration se fera le 12 octobre 1930. Ainsi formé le lac stoppe l’activité des carrières de schiste et immerge les abris de carriers, de nombreuses écluses (17) et plusieurs maisons d’éclusiers. Depuis son inauguration, le lac avait été mis à sec par deux fois. En 1975 et 1985, plus deux millions de visiteurs s’étaient pressés pour découvrir la vallée engloutie.

En avril de cette année 2015, l’ouverture des vannes est décidée. L’eau s’écoulera pendant un mois jusqu’à l’assec complet du lac au mois de mai. Le Blavet retrouvera son lit ancestral et la vallée de Guerlédan se découvrira figée par trente ans de silence et d’obscurité.

Avant d'emmener des visiteurs, notre guide inspecte le circuit au fond du lac.

Avant d’emmener des visiteurs, notre guide inspecte le circuit au fond du lac.

L’occasion est trop belle pour visiter le site et prendre quelques immortelles photos. C’est décidé, on ira ce jour à Guerlédan. La météo nous annonçait une belle journée ensoleillée. Ça sera une belle journée bretonne, c’est à dire grisaille et petit crachin. Routes interdites, circulation automobile canalisée par des circuits aux couleurs vives, tout est organisé pour un débarquement en masse. La dimension des parkings, tracés à même les champs avoisinants (qui devaient produire il y a quelques semaines encore patates, artichauts ou céréales), ne me rassure pas plus. En cas de pluie persistante, le terrain risque de se transformer en véritable bourbier, duquel il sera délicat de sortir la voiture. À partir du parking, trouver le point de départ des visites du site est d’une facilité enfantine. Il suffit de suivre, comme un fil d’Ariane, le petit chemin bien marqué par les milliers de pédestres qui nous ont précédé le week-end dernier.

Nous ne serons que six à nous présenter à l'ouverture des visites.

Nous ne serons que six à nous présenter à l’ouverture des visites.

Le propriétaire va pouvoir récupérer son canoë...

Le propriétaire va pouvoir récupérer son canoë…

Attention danger. Les fonds sont encore très liquides et la vase atteint 1,20 mètres à certains endroits.

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La vase commence à sécher.

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Les berges encore très liquides du Blavet semblent si douces.

Des jeunes filles transies dans une cabane cubique attendent les premiers visiteurs et se présentent comme guides. Nous attendrons une petite demi-heure dans le vent, le froid et la bruine qu’un groupe se forme. Loin de la “populace” que je craignais, nous sommes six à enfiler des chasubles orange fluo marquées EDF. Une façon de ne pas perdre un visiteur au fond du lac, mais surtout le moyen de repérer les resquilleurs qui profitent des explications d’un guide sans  concéder la moindre obole. Je m’embrouille un peu avec la chasuble, les sangles du sac à dos, celles de l’appareil photo et la capuche du K-Way. À hauteur du barrage, je suis impressionné par la profondeur du site et par le degré de pente de la vallée découverte. Le niveau du marnage est marqué par une nette différence de couleur de la roche. Quarante mètres plus bas, le Blavet coule paisiblement bordé par des rives molles et brillantes chargées de vase olivâtre. Quelques arbres comme pétrifiés, tendent encore  leurs branches vers l’espace enfin découvert. Il règne un calme impressionnant, étrange.
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On n’entend aucun oiseau et nul d’entre eux ne survole la profonde dépression. La question fuse parmi le groupe : “— Et les poissons où sont-ils ?”. C’est vrai ça ! Que sont-ils devenus ? Le lac contenait 20 à 30 tonnes de poissons dont 4 à 5 tonnes de carnassiers qui ne pouvait pas survivre à cette vidange totale.

Les plus beaux spécimens, surtout les reproducteurs ont été transportés dans les plans d’eau les plus proches. Par ailleurs, plus de 200 kg de poissons de la vidange du lac, ont été vendus au public à Mûr-de-Bretagne. Une fois le site remis en eau, 13 tonnes de poissons sont prévus pour le rempoissonnement. Les pêcheurs devront attendre 2 ans avant de plonger leur ligne dans les eaux de Guerlédan. Notre jeune guide nous abreuve de chiffres. Tant de tonnes de ciment pour le barrage, tant de milliers de kilowattheures gagnés en énergie, et une énumération de dates des “temps anciens”. Autant de précisions que ma mémoire oublie immédiatement puisque tout ce qui ressemble à un chiffre m’est particulièrement indigeste. Moi, ce que je veux, c’est descendre au fond du “puits”. Là-bas, au plus proche de l’humide qui scintille. À pas comptés, nous descendons vers le Blavet en contrebas par un chemin en forte pente. Je félicite la guide pour le tracé du circuit. Celle-ci me réplique que tous les chemins visibles et notamment celui que nous empruntons, datent de l’époque à laquelle les habitants se rendaient dans la vallée. L’eau n’a fait que conserver en l’état tous les sentiers existants.

Le bateau langoustier coulé pendant la guerre par la RAF.

Le bateau langoustier coulé pendant la guerre par la RAF.

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La vase se pare d’une peau reptilienne.

Au plus bas, et sur la droite, à l’entrée d’une entaille profonde dans la gorge rocheuse, une épave se dévoile mi-enfouie dans la vase. Ce bateau langoustier  qui mena une vie tranquille au gré des visites officielles, fut réquisitionné par l’armée allemande pendant la guerre, et servit à la surveillance du barrage. Attaqué par la RAF en 1943, il repose désormais par plus de 40 mètres de fond sur l’ancien lit du ruisseau de Poulham. La visite est terminée. Au “Rond Point du Lac”, nous n’en verrons pas plus.

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Le nettoyage du lac ne s’est pas fait partout avec application.

Les visites sont interdites sous le niveau de marnage du lac en raison d’une part du risque d’enlisement (plus de 1,20 m de vase liquide), et de la dégradation du site par des visiteurs pas toujours là pour profiter des paysages spectaculaires. La saison estivale séchera peu à peu les berges aqueuses du lac. De la vase craquelée, émergera une végétation rase qui s’étendra en un somptueux tapis vert tendre. Pour l’heure, nous sommes déçus et nous restons sur notre faim. Sur les recommandations d’un connaisseur, nous filons à  l’anse de Trégnaton où la vue en surplomb est magnifique. Le regard embrase un vaste panorama. Mon attention est tout de suite captée par les traces de constructions et la présence d’anciennes maisons émergées qui contrastent par leurs formes géométriques dans le paysage sirupeux. Tout est parfaitement conservé, figé dans le temps. Une dénivellation dans le terrain a créé une petite cascade qui entraîne sur quelques mètres la rivière dans une course accélérée. Ce sera le seul mouvement de vie visible et auditif au fond de la vallée. Je descends de quelques mètres pour m’approcher des anciennes exploitations d’ardoises. Les trous béants (70 m de profondeur) sont bien là, comme des bouches voraces, insatisfaites ou à la recherche d’oxygène…ou prêtes à avaler un malheureux visiteur ! D’habitude cachées sous les eaux, elles conservent toute leur mystérieuse noirceur. Et bien fou celui qui tenterait de s’y aventurer. De part et d’autre, des cuvettes retiennent encore un peu d’eau croupie. Sous l’action de la chaleur, les bords de ces petits cratères se fendent dans une géométrie inattendue. La vase étend une palette de couleurs incroyables allant du blanc au rouge comme le témoignage d’une inflammation sur une peau monstrueuse.

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Des cuvettes d’eau croupie, finissent de s’assécher.

Les légendes vont bon train à propos du lac de Guerlédan. Sa forme de dragon a sans doute contribué à enflammer les imaginations. Mais, point de village englouti ou de clocher dont on pourrait entendre parfois, par une nuit sans lune, le sombre tocsin. À propos des temps historiques certains évoqueront Konomor (VIè siècle), effrayant Barbe Bleue breton qui tuait ses épouses successives dès qu’elles accouchaient. Puis de l’horrible Hervé de Kerguézangor seigneur de Ville-Audrain et de Mûr-de-Bretagne qui au XVIè siècle, rançonnait, pillait, violait tout ce qui circulait dans la région. Il s’empoisonnera pour échapper à la justice et sa femme sera décapitée en 1570 à Rennes. Plus proche de nous, on parle aussi d’un crime dans une des maisons du lac. En 1900, un règlement de compte entre carriers de l’époque qui extrayaient le schiste ardoisier provoqua l’émoi dans la région. Un contremaître fut tout simplement saigné comme un porc et dépecé sur une planche.

Une vue générale depuis l'anse de Trégnanton.

Une vue générale depuis l’anse de Trégnanton.

Novembre 2015 marquera le début du remplissage de la retenue d’eau par le débit naturel du Blavet. Il faudra plusieurs mois avant que le lac ne retrouve son niveau habituel. La centrale hydroélectrique sera remise en service début 2016. Une fois rempli, Guerlédan retrouvera sa forme de dragon chinois et les randonneurs continueront de suivre sa berge torturée en ayant parfois l’impression de revenir sur leur pas. La base de loisirs s’animera de nouveau bruyamment. Les travaux effectués sur le barrage permettront désormais à EDF d’inspecter l’édifice en toute sérénité sans procéder à la moindre vidange. 2015 est donc un événement exceptionnel, l’année ultime pour voir une dernière fois le spectacle de la vallée engloutie. Il reste encore quelques mois pour en profiter.

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Croq’Rando dans le Morbihan

Avouez le ! L’espace d’un instant, en lisant le titre vous avez pensé au “croque” que l’on s’envoie au bistrot du coin pour combler un petit creux à l’estomac. Je le reconnais volontiers, vous pourriez concevoir que cet article est destiné à vous faire l’éloge gustatif d’une sorte de sandwich à la “sauce Bretonne”.

Le Bono, un joli port miniature dans le Morbihan.

Le Bono, un joli port miniature dans le Morbihan.

Une “croq’rando”, c’est la combinaison toute naturelle d’une balade au long cours qui donne l’occasion de sortir son carnet de dessins, comme d’autres sortent leur appareil photo pour immortaliser “Josette et Maurice” devant la mer alors que le soleil décline derrière les grands pins. C’est une première expérience de dessin en “live” pour l’ensemble des participants. Élisabeth, l’intervenante, conduira le groupe sur un circuit facile, émaillé cependant de sujets adaptés à la pratique du croquis. Chacun est là pour travailler, pour approfondir sa passion pour le dessin, et développer son sens artistique. Rendez-vous est fixé pour la balade sous le pont de St Goustan à 10h. Il fait frais en ce mois de mai et le temps gris et un peu sale ne correspond pas à ce que la météo nous avait annoncé.

À marée basse, la rivière laisse place à des vasières.

À marée basse, la rivière laisse place à des vasières.

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Le Morbihan, ce n’est pas que la mer…

Danielle, Maryline, Nathalie, Renée, André et moi-même, sans oublier Élisabeth démarrons enfin notre itinéraire en suivant le rivière en direction du Bono. L’idée est de faire des haltes à des endroits stratégiques, de poser ses fesses quelques instants, de sortir le carnet de croquis, d’embraser du regard le paysage présent et d’en traduire son esprit en quelques traits bien ajustés.

À la première halte, nous  dessinons debout. La position est volontairement inconfortable afin de ne pas rentrer dans les détails du sujet. Tout comme le sportif échauffe ses muscles avant l’épreuve, nous échauffons notre regard et notre main grâce à ce premier exercice. Étirements bono_08obligatoires. Il faut aussi dissiper la bono_07peur de la première fois, cette crainte d’être ridicule ou de ne pas réussir. Loin de tout jugement de valeur, le principe est de détecter la sensibilité et les possibilités créatives propres à chacun et de les valoriser. Le soleil arrive enfin, de plus en plus lumineux de plus en plus chaud. Sa présence bienfaitrice délie les langues, assouplit les corps. La rivière se pare de reflets d’argent, les frondaisons au loin prennent du volume, toutes les nuances de vert, percées de temps à autre de l’éclat or des genêts, éclatent sous la lumière.

bono_03Au soleil, les gestes deviennent assurément plus fluides. Le crayon caressse amoureusement le papier. Le plaisir de représenter est d’autant plus grand que l’infinie richesse de la nature s’insinue par tous les pores de la peau. Quand l’équilibre entre le corps et la nature est atteint, on éprouve un immense moment de sérénité. Tout baigne et la pose s’éternise un peu tant le bien-être est resenti par tous. Le temps passe sans regret pour une fois. Il faut bien cependant se décider à pousser un peu plus loin. Une souche tortueuse dans la lumière du chemin, suscitera bien des commentaires : “- on dirait une sorcière, un corps peut-être ou un gros serpent !”. La faim et la soif, commencent à attaquer les esprits. bono_12 bono_11 bono_10 bono_09Nathalie, en dessinant un arbre chargé de bouteilles et de sandwiches, nous donnera le signal du pique-nique. Arrivés au port du Bono, un petit café et une terrasse. Devant un verre de vin rouge, récompense de notre matinée de travail, on se croque nos bobines hsitoire de rigoler un bon coup. Le pique-nique est vite avalé et sur le quai, nous sortons déjà nos carnets de dessins. Le soleil est haut dans le ciel, à la verticale. La lumière est dure, les ombres très marquées. Il faut dessiner en noir et blanc pour ainsi dire. Les contrastes, les contrastes…Ceux qui ont décidé de représenter les deux ponts (l’ancien et le nouveau) qui surplombent le port, en seront pour leur frais. Il leur sera difficile de combiner des perspectives contrariées aux points de fuites improbables. Quelques badauds de temps en temps (peut-être Josette et Maurice) nous approchent timidement, curieux, approbateurs ou pas, puis continuent leur chemin. Il y aura peu d’échanges avec le public, à croire que nos deux mondes cohabitent sans pouvoir réellement se trouver. bono_02Bref, le principe était, sur le chemin du retour de dessiner, encore et encore, de saisir d’autres sujets, de profiter d’une lumière de fin d’après-midi. La journée hélas sera trop courte et c’est avec regret que tout le monde va presser le pas pour se retrouver au point de départ. Réunis autour d’un dernier verre (ben oui, on a eu très soif), les dessins sont exposés et commentés. Chacun fera un bilan très positif de cette croq’rando en souhaitant renouveler l’expérience. Des rendez-vous de principe sont évoqués. Pour ma part je décroche un peu. Les projets, même à quelques jours, ne me concernent plus. Je rentre sur Paris bientôt. Ma prochaine croq’rando participative en bonne compagnie, ne pourra se faire au mieux que…l’année prochaine. Adieu le Morbihan, ses paysages fabuleux, sa lumière sculpturale et ses averses imprévisibles. Quatre saisons en une seule journée disent les Bretons et c’est bien vrai.

Nouvelles aquarelles

De l'eau, de la couleur et des pinceaux.

De l’eau, de la couleur et des pinceaux.

Ces toutes dernières aquarelles, mélangent paysages du Morbihan et paysages du Cotentin. Je ne garantis pas l’exactitude des lieux. L’intention est de parvenir à représenter des espaces qui paraissent véridiques tout en y intégrant des éléments qui sont étrangers au lieu ou déplacés. La représentation figurative, n’est finalement pas synonyme de vérité. Chaque réalisation est donc construite en empruntant ici et là formes et couleurs pour finalement créer un univers dans lequel j’aime “voyager et me fondre”.

Aquarelles en Morbihan

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Les grands godets porcelaine Winsor & Newton, plus pratiques pour les grands formats.

Le Morbihan m’aura permis d’entrevoir et de m’essayer à l’aquarelle sur d’autres paysages que ceux de la région parisienne. Paysages aux ambiances mouvantes, changeant au rythme de l’avancée des nuages. Course contre la montre pour s’installer et remballer tout le matériel avant la prochaine averse. Calcul des heures de marée, qui influence la lumière, les couleurs et que l’on doit respecter sous peine de finir les pieds dans l’eau. “N’est-ce pas Élisabeth ?”.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

L’aquarelle, c’est bien le jeu de l’eau…mais point trop n’en faut ! Je suis resté fidèle à mes gros godets procelaines et mes gros pinceaux. Un choix raisonné pour travailler sur des grands formats (50 x 60) sans trop tomber dans le détail. Le bilan est plutôt positif puisque je peux comptabiliser une douzaine de peintures sur deux semaines de travail. À renouveler donc.