Malgré la fraîcheur qui s’incruste ce matin au pied de la combe de Curnier, le vieux Lada 4×4 a démarré au premier tour de clé.
Aujourd’hui, c’est jour de chasse et comme d’habitude, la petite voiture russe va en voir de toutes les couleurs pendant toute une matinée. Habituée des parcours défoncés, elle connaît toutes les traîtrises des pierres roulantes, la sournoiserie des racines effleurantes et le danger des flaques d’eau boueuse, toujours prêtes à balancer le véhicule dans un cèdre placé trop près du chemin. Les buis ont depuis longtemps apposés en longue griffes rectilignes, leur signature sur chaque partie de la carrosserie.
Au premier ronflement du moteur, les chiens juste à côté, dans leur chenil, ont commencé à aboyer. Ils ont compris que l’heure est venue pour eux de sillonner les pentes du Ventoux, la truffe pointée au ras du sol, sur la trace du gibier.
Dans le chenil, c’est une véritable cacophonie qui redouble de fureur dès que la voiture s’approche des enclos grillagés. D’une voix ferme et autoritaire, Georges impose le silence aux bêtes particulièrement excitées. Georges connaît bien les chiens. Ce sont les siens. Sa passion, c’est la chasse au sanglier et cette passion ne peut se passer de bons chiens. Ce matin, Éliott, Géna, Ventoux et Caneau sont les heureux élus sur les 24 chiens présents au chenil. Pas de hasard dans ce choix. Chaque animal est choisi en fonction de ses qualités spécifiques. L’un aboie d’une voix forte et rauque facile à identifier au plus profond d’une combe ou d’un vallon. Cet autre est persévérant derrière un sanglier et ne change pas de trace pour celle d’un chevreuil. Ces deux là ont l’habitude de chasser ensemble et font la paire pour plus d’efficacité.
Ainsi l’équipée de ce matin est une complexe association de races et de croisements. Chien Porcelaine, Grand Bleu de Gascogne à la grande taille et pas trop lourd, Fauve de Bretagne parfois réticent à l’appel. De plus, il faut ménager les bêtes qui ont participé à la précédente chasse. L’enthousiasme des chiens ne doit pas faire oublier qu’un animal sauvage tel que le sanglier, est habitué à une vie rude et que sa résistance à l’effort ainsi que son intégration dans la nature lui sont particulièrement favorables.
Georges a relevé le haillon du 4×4 et dégagé les portillons des deux cages situées dans le coffre. Prestement, les chiens sortis de leur enclos s’engouffrent dans le véhicule.
Le haillon refermé, je prends place côté passager je serai co-équipier. Et hop, direction le lieu de rendez-vous des chasseurs. Dans le véhicule, il ne faut pas avoir le nez trop sensible. Ça sent le fauve et pas qu’un peu. Lorsque certains chiens se libèrent, il faut choisir : descendre la vitre et se prendre l’air frais du matin en pleine face ou succomber à l’asphyxie.
(À suivre)
Archives par mot-clé : noir et blanc
Dessins identités.
Je fais une petite mise à jour pour celles et ceux qui ne sont pas sur Facebook. Pour les amis de Facebook, cette mise à jour fera doublon et je les remercie pour leur suivi et commentaires. Ces deux grands dessins closent pour l’immédiat la série “identités” que j’avais initiée sur ce blog.
Peintures août 2015
Mis en avant
J’avais un peu délaissé l’actualisation de ce blog au profit de publications plus quotidiennes sur Facebook. Voilà une mise à jour des principales réalisations produites ces dernières semaines. Ceux qui me suivent sur Facebook y trouveront pêle-mêle des nouveautés et des choses déjà publiées. Pour vaincre ma hantise des perspectives et des paysages urbains, j’ai fait une approche “minimale” en aquarelle sur les avenues de New-York. Tentative à demi-réussie pour ma part. Pour me changer la main (tout comme on fait un “trou normand” avant de poursuivre avec entrain un bon repas), le dessin de portrait en frand format et de manière “réaliste” est un travail dans lequel je me sens plus à l’aise. Enfin, et pour finir en diaporama, mes habituels paysages à travers quelques aquarelles dont certaines sont réalisées dans un format “miniature”.
Ceux qui sont sur Facebook, peuvent me retrouver sous “Serge San Juan” et aussi sur le groupe “Art entre Amis”. Un groupe que je suis en train de constituer réunissant des artistes peintres professionnels, amateurs ou débutants.
La citadelle de Port-Louis.
Après avoir passé deux ponts puis deux portes fortifiées, on pénètre enfin dans l’austère citadelle de Port-Louis. C’est marée basse, mais on comprend vite l’intérêt stratégique de cette défense en bout de presqu’île. Commandant l’entrée de la rade de Lorient, l’ouvrage se présente sous un plan rectangulaire bastionné aux angles. À marée haute, la citadelle est entièrement isolée par la mer qui vient écraser ses vagues contre les hautes murailles. Pendant les guerres de la ligue, catholiques et protestants s’affrontent partout en France. Le gouverneur de Bretagne, le Duc de Mercœur expulse les protestants, partisans du futur Henri IV retranchés dans la ville de Blavet (nommée Port-Louis désormais). En 1590, trois mille Espagnols conduits par Don Juan Del Aguila viennent soutenir le duc, mettent à sac la ville et massacrent les habitants. Don Juan Del Aguila relève les retranchements de la ville tout en posant la première pierre d’une forteresse qu’il baptise de son nom “fuerte del aguila” (le fort de l’aigle).
En 1598, le traité de Vervins met fin à l’occupation espagnole, les Etats de Bretagne demandent alors la démolition de la citadelle. Mais la destruction de celle-ci ne sera jamais complète. Deux bastions, une courtine, les piles du pont, les casernes, deux corps de garde et la chapelle restent érigés.
Après l’assassinat d’Henri IV, quelques insurgés, en juin et juillet 1610 commencent à rétablir le fort. Mais les années suivantes sont l’objet de bien des hésitations sur son édification. La citadelle est reconstruite entre 1618 et 1621, lorsque Louis XIII décide de donner à Port-Louis le statut de ville royale. L’aspect actuel de la citadelle date de cette époque et malgré les apparences, on doit peu de chose à Vauban si ce ne sont les édifices construits dans la basse-cour (arsenal et parc à boulet) à une date plus tardive.
En 1666, la Compagnie des Indes Orientales s’implante dans la rade de Port-Louis. La ville de Lorient se crée à cette époque, et la citadelle, comme poste avancé dans la défense de la rade est considérée comme une protection suffisante contre une attaque venue de la mer. Les quelques modifications qu’elle subit pendant cette période lui permettent de soutenir un siège : citernes, puits et jardins potagers sont aménagés au XVIII ème siècle.
Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale (elle est contrôlée par les Allemands de 1940 à 1945) la citadelle sert à la défense de la rade, puis elle est affectée à la surveillance du trafic maritime. Les derniers militaires quittent les lieux en 2007. Aujourd’hui, la citadelle abrite le musée de la Compagnie des Indes, le musée de la Marine, le musée des Armes, la donation Franck Goddio dédiée aux “Trésors des Océans”, ainsi qu’un important espace dédié au sauvetage en mer.
Le long des murailles, sur les bastions du fort, les goélands ont élu domicile et nichent en toute quiétude, sans se préoccuper des visiteurs. Les voiliers en fin d’après-midi, tirent quelques bords pour rejoindre Lorient, là-bas au fond de la rade, sous la protection superflue des lourds canons de fonte qui se décomposent inexorablement au gré des intempéries.
Rememorare.
Pour tous ceux qui s’intéressent à mes dessins, je viens d’éditer sur Blurb un album de croquis et dessins de nus.
Je crois que la tâche la plus difficile qu’il m’ait été donnée de réaliser, consiste en la confection de cet album qui reprend une partie des dessins et croquis que j’ai pu éxécuter ces trois dernières années. Photographier, scanner, traiter, sélectionner, ordonner, voilà des actions qui réclament attention et minutie. Que garder, que mettre de côté ? Certains croquis sont pour moi, malgré les imperfections, des documents qui m’inspirent. Parfois trois traits à peine jetés, esquissés dans le mouvement, soumis à mon regard, me replongent dans l’acte même de la création.
Rememorare, comme s’il y avait une mémoire du geste et du plaisir. Enfin, le résultat de tout ce travail, est pour une bonne part rassemblé ici. Cet album ne contiendra pas les derniers dessins qui continuent d’abreuver mes carnets et mes cartons. Mais, trop point n’en faut. La mesure entre le juste et le trop est évidemment difficile à déterminer. J’espère avoir réussi par mes choix à susciter au moins un regard enthousiaste.
L’album comporte 114 pages couleur au format 13 x 20 cm. Si vous souhaitez l’acheter, Il est vendu 26€ par Blurb (prix coûtant, je ne prends aucune marge dessus). Mais vous pouvez me faire un grand plaisir en vous contentant de le consulter tout simplement.
En cliquant sur l’illustration ci-contre, vous pourrez accéder directement à l’album. Pour visualiser toutes les pages, cliquez ensuite sur “Aperçu” puis faites défiler.
Les plus téméraires, trouveront le bouton pour agrandir l’album au format plein écran.
Bonne visite à mon exposition virtuelle.
Cul Froid
Le petit matin est gris, poisseux, de cette humidité lourde qui pénètre lentement jusqu’au plus profond des os. J’espère une lumière qui finalement n’arrivera jamais.
Près de la ferme et tout le long du chemin qui borde la bergerie et les prairies, le sol exhale des odeurs animales. Je saute d’une zone herbeuse à une autre. J’évite les flaques jaunâtres colorées de purin et les mottes de boue grasse que les tracteurs ont propulsé sur les bas-côtés. Les “salers” intriguées m’observent comme un étranger “paumé” dans cette brume matinale. Leur robe rouge bouclée, est recouverte d’une fine couche de gouttelettes. Je leur parle. Les vaches semblent m’écouter. Semblent seulement ! Insensible à l’humidité ambiante, d’un mouvement coordonné, elles se retournent lentement vers le râtelier débordant du foin du matin. Leur gros cul dirigé vers moi m’apparaît comme le signe d’une profonde indifférence. Tant pis, nous n’aurons désormais plus rien à nous dire. La campagne est muette, rase, figée. Chaque son est étouffé, paraît joué derrière l’horizon. Des formes spectrales émergent de temps à autre au détour d’un chemin gras, au sortir d’un bosquet moite. Une pauvre libellule agrippée à une tige de chardon, tente de survivre au-delà du raisonnable. Une enveloppe de cristal liquide, momifie son corps grêle et ses ailes démesurées. Les arbres jouent au théâtre des ombres chinoises quand ils ne s’inclinent pas pour un baiser vers la terre maternelle. Les rus improvisent dans les chemins creux des escapades en suivant des voies libertaires. C’est l’époque ou la nature ne sait plus ou est sa véritable place. C’est l’entre saison. L’espace temps semble parti à la dérive. Est-il possible de rejoindre “Cul Froid” par ces chemins défoncés et ces routes noires qui semblent se diriger vers l’enfer ? “Haute Souris”, ne serait-il pas un village né de l’absurde où tous les habitants portent grandes oreilles et museau pointu ? De frêles barrières tentent parfois de circonscrire quelques espaces privés. De hauts murs, une grille en fer s’efforcent de protéger les vivants de l’incursion des morts. Sur cette campagne désolée nul être pourtant ne semble à même de recevoir leur visite. Une chapelle aux moellons disloqués, accablée d’un lierre dévorant, laisse filer dans ses plaies béantes les frissons humides de la plaine.
Cotentin à la marge
De lourdes barres roulantes et broyantes, filent à l’unisson des vents venus au-delà des îles anglo-normandes. L’obscurité chahute avec le demi-jour. Chaque déchirure révèle soudainement les êtres et les choses qui se trouvent là ! De son voile de carbone le ciel enveloppe le paysage, le malaxe jusqu’à plus fin pour en extraire toute sa débonnaire douceur et lui donne alors une dimension fictionnelle. La presqu’île du Cotentin s’avance en mer au plus profond, telle un navire dont les flancs blanchis d’écume narguent le ressac. Au-dessus de ma tête, lumière et pénombre se livrent un combat digne d’une tragédie wagnérienne. Les chemins d’hier, creux et ombragés, si prompts à protéger contre le souffle né de la mer, sont devenus opaques et profonds, et semblent diriger le promeneur vers la couche d’une sombre créature diabolique.
Les “mielles” sauvages et dénudées, courbent l’échine, assouplissent leurs crêtes sous les assauts du vent. Arbres et oyats plongent leurs racines torturées au plus profond de la matrice pour gagner une fois encore le droit à la vie. Ruisselant sous une lumière crépusculaire, le sentier à hauteur de goéland, n’est plus qu’une vilaine scarification faite à la côte et tente par un dernier détour d’honorer quelques religieuses ruines.
Sous la chapelle, au plus sombre d’une anfractuosité, en veines rougissantes, affleurant la roche noire encore humide, le sang indélébile du dragon de Carteret – vaincu par St-Germain-Le-Scot – renaît à chaque jusant dans l’imagination des hommes.
Sur le havre, dans un appel pathétique, quelques épaves rongées au sel, tentent d’attirer le regard en espérant entreprendre – peut-être – un ultime voyage. Déconstruits, reconstruits, remaniés ou défigurés, manoirs et propriétés sont figés dans leur silence. Nulle cour ne résonne des murmures de la vie. Nul parc ne s’anime des jeux d’enfants. La lumière passe indifférente sur les façades alors que dans l’ombre des tours se cachent de glaciales tragédies. Le chateau des Ravalet n’a t’il pas accueilli les amours incestueuses de Julien de Ravalet et de sa sœur Marguerite. Les deux beaux jeunes gens, dont la tendresse remontait à l’enfance furent décapités en place de grève par une froide journée de décembre à Paris en 1603.
Inspiré par cette terre bordée par la mer et envahie par les marais, l’esprit de Jules Amédée Barbey d’Aurevilly n’a de cesse de vivre dans chaque lieu, dans chaque demeure autour de Saint-Sauveur-Le-Vicomte. Sa modeste tombe, désertée, soupire d’ennui dans l’ombre bleue du massif donjon, monolithique survivant de la guerre de Cent Ans.
Sous mes yeux, tout se recrée, se fond et se confond. Ma vision n’est plus que le mélange de la matière brute saisie à celle de sédiments personnels longuements maturés. Chaque élément qui m’entoure devient le déclencheur d’émotions plus profondes, naviguant en basses eaux. Il me faut laisser la force du visuel s’éroder lentement. M’en imprégner pour mieux le rendre, non pas conforme à ce que les autres en attendent, mais l’habiter de manière intime, le faire renaître chargé de sa proppre histoire. Ainsi, l’image n’est plus une image, mais devient un lieu incarné. Le brillant de l’éphémère immédiateté s’efface au profit de l’essence même du sujet. Il ne s’agit plus de reproduire les choses telles qu’elles sont vues, mais telles qu’elles sont ressenties. La couleur a déserté les images. Comme si l’habit chromatique avait été trop clinquant, trop “m’as-tu-vu”. Les musiciens le savent bien, la partition a beau être écrite en noir et blanc, l’interprétation libère les plus belles “couleurs que l’œil puisse entendre”.
(Clic sur l’image)
Atelier en panne
Bon je sais, vous allez vous dire “tiens le revoilà”.
Ça faisait longtemps ! Et oui, ça faisait un petit bout de temps que ma souris se morfondait dans son coin, sans un petit bout de texte à grignoter. Quelques vacances, une lombalgie, aussi un peu de fainéantise avouée et un printemps qui tardait à venir ne m’ont pas incité à mettre à jour ce blog.
Mauvaise nouvelle pour l’atelier de “nus” du samedi. Notre dynamique intervenante, pour des raisons personnelles quitte la région Parisienne et s’installe désormais dans le Morbihan. Nous perdons une animatrice et du même coup, les séances de “croquis” vont disparaître. Le groupe sympathique que nous formions va se dissoudre. Hélas !
Pour cette avant dernière séance, comme à l’habitude, nous avons tout d’abord travaillé en croquis très rapides de 1 ou 2 minutes. Faute de modèle nu, nous avons posé chacun notre tour… Bien fait pour nous ! Nous avons pu ressentir combien poser sans bouger quelques minutes peut-être pénible, tant nous sommes habitués dans notre quotidien à remuer sans nous en rendre compte.
Les 3 planches de croquis qui suivent, sont réalisées dans l’odre chronologique de l’échauffement de l’œil. On peut voir que le couple œil/main s’améliore, devient plus précis. Pour des poses de même durée, le croquis est plus détaillé, plus présent. Fonctionnant comme un appareil photo, l’œil capte l’essentiel du modèle, et la main accélère pour retranscrire le maximum de signes dans un instant donné.
Pour finir la séance, nous nous sommes adonnés au “portrait” rapide de 10 à 15 minutes. L’essentiel étant non pas d’obtenir des “figures” ressemblantes, mais de saisir l’expression principale, les traits essentiels qui peuvent caractériser chaque personne. Anne, Nathalie et Nathalie se sont prêtées au jeu de la pose. Merci à elles.
Fils & filles d’immigrés
Mon père est né en 1913 à Alcazaren, dans un petit village d’Espagne. Fils d’Antonio et de Nemesia. La famille compte cinq enfants, quatre frères et une sœur, la plus jeune de la fratrie, protégée par des garçons tout à ses petits soins.
À cette époque-là, une bonne partie du peuple espagnol vit dans la misère. Je retiens cette phrase que mon père me répétait, lorsqu’il m’arrivait de me plaindre de ma situation : “En Espagne, nous n’avions que des pierres à manger. Il n’y avait rien à faire. Notre maison possédait une cour carrée faite de poussière où gamins nous traînions pieds nus au soleil !”.
Il aura sans doute fallu beaucoup de courage et pas grand chose à perdre pour que toute la famille franchisse les Pyrénées dès 1918, en direction des Landes. Un exode patriarcal bien avant les premiers réfugiés et exilés républicains que la guerre d’Espagne déversera sur le sud de la France en 1939.
Mon grand-père paternel, trouve un labeur dans la forêt landaise. Il sera charbonnier, résinier, collectant la sève d’or des grands pins. Cette résine liquide et odorante fut sans aucun doute le plus grand trésor que mon grand-père dût posséder. Frères et sœurs ne parlent pas un mot de Français, ne savent ni lire, ni écrire. Bien vite scolarisés, c’est un peu de leur liberté qu’on leur prend. Les liens familiaux se ressèrent face à l’inconnu. Les quatre frères font corps et apprennent à se faire respecter par les autres gamins, mieux nantis. Pour une insulte, un manque de respect, ils font le coup de poing quand nécessaire. Ainsi va la petite enfance, l’adolescence et l’apprentissage de la vie adulte.
Ma mère Rita, est née en 1921 à Sarego un village en Vénétie, au nord de l’Italie. Pour des raisons professionnelles, son père Benvenuto quitte l’Italie, et embarque sa famille pour le sud-ouest de la France.
C’est là que mes parents se rencontrent pour la première fois. Les jours sont doux et lumineux. La mer et ses immenses plages, le soleil, le foisonnement de la mauve bruyère dans la forêt landaise, sont autant d’appels favorisant l’insouciance des jeunes gens.
Mais, des hommes ailleurs, en décident autrement et bousculent les événements. De simple rumeur, la guerre passe à la cruelle réalité.
En Italie, Mussolini est au pouvoir. Toute la famille italienne reprend le train pour rejoindre sa terre natale en décembre 1940.
Mon père a 26 ans. Considéré comme étranger par l’administration, il ne peut prétendre rejoindre l’armée française. Face à la montée du facisme, il rejoint dès 1939 la légion étrangère comme “engagé volontaire”. Il combattra aux côtés de tirailleurs Sénagalais dont il me vantera toujours le courage. Il recevra la croix de guerre pour “très belle conduite” au feu pendant les combats du 18 et 19 juin 1940. Fait prisonnier quelques jours plus tard, malgré plusieurs tentatives de fuite, il terminera la guerre en Allemagne au stalag XI B de Fallingbostel. Il sera un prisonnier anonyme parmi les 80.000 prisonniers que comptera ce camp.
Libéré par les alliés en avril 1945, il part à la recherche de son amour de jeunesse dans une Italie en ruines. Sans doute dans la crainte d’une deuxième séparation, il épouse Rita sur place avant de revenir dans le Sud-Ouest en couple légitimement uni. Mes parents adoptent la nationalité française en 1950.
Du vivant de Franco, aucun membre de la famille ne mettra – ne serait-ce – un seul pied en Espagne. La France est leur seul et unique pays de cœur. Les insultes racistes que la maisonnée subira de temps à autre (fils et filles de macaronis ou d’espingouins) n’altèrera pas leur amour pour le pays. Mon père reconnaissait en la France, un pays qui l’avait sorti de la misère, lui avait permis de manger à sa faim, lui avait offert la possibilité de travailler en toute liberté, de penser et de s’exprimer sans crainte de représailles. En contrepartie, cette famille espagnole, depuis plus d’un demi siècle aura aussi donné de nombreux enfants, de nombreuses mains et esprits fondus aujourd’hui dans une France multiraciale.
Aujourd’hui, lorsque j’entends des voix “eructantes”, voulant nous faire croire que notre mal-être est dû à ces “gens venus d’ailleurs”-” des “pas comme nous” qui selon les dires “pénètrent chaque jour par milliers dans notre pays”, je ne peux malgré tout que me sentir un peu concerné. J’ai bien compris que c’est surtout vers “Rachid, Ahmed, Aïcha, ou Meimouna”, que les regards sont orientés. Mais demain, qui sait si “Nicu, Laurentiu, Mircea”, puis les “Juan, Albertino ou Agostina” ne seront pas eux aussi montrés du doigt. Il faut toujours trouver un coupable…”Adam, Déborah, Ismaël, Joshua” et tant de millions d’autres en ont déjà subi les conséquences par le passé. Sans être naïf sous prétexte de tolérance qui peut s’apparenter à du laxisme et accorder un blanc seing à tout et à n’importe quoi, il convient d’être vigilant afin de ne jamais devenir un jour, de par ses origines, le paria d’un “ordre nouveau”.
Portraits
Dans les croquis de nus, les visages ne sont souvent signifiés que par un ovale, et quelques traits pour indiquer le nez, les yeux, la bouche. Corps parfois sans les mains, sans les pieds, sans les visages, car ces parties anatomiques demandent un temps d’observation et de réalisation que le croquis rapide ne permet pas toujours.
Pour cette fois, le temps du croquis, j’ai essayé de focaliser mon observation sur quelques visages afin de donner une personnalité à tous ces corps que je vous propose au fil du temps.