Morbihan in pace

Morbihan, la côte sauvage de Quiberon, pointe du Percho.


Je ne sais pas si la réussite d’un séjour peut-être liée proportionnellement à son niveau d’ensoleillement. En ce mois de mai, dans le Morbihan le temps aura été jour après jour idéal et presque constant avec de douces journées propices aux promenades méditatives et à une activité de peinture assez intense.

Les moments partagés avec de nombreux amis, autour d’un bon repas ou lors d’autres occasions moins friandes, ont aussi largement occupé mes journées. J’ai retrouvé avec plaisir mes “amis peintres”. Les “pros”, ceux qui manient avec certitude le pinceau et aussi mes “gentils élèves amateurs” dont la confiance qu’ils accordent à mes conseils ne fait que renforcer ma responsabilité envers eux.
Partager selon le niveau de sa propre expérience n’est pas toujours chose aisée, surtout dans le domaine artistique qui comprend certes une partie matérielle et technique facilement identifiable, mais et surtout, un univers du sensible et de l’interprétation qui est propre à chacun. Cette partie que je regrette toujours de ne pas pouvoir développer plus longuement est victime des disponibilités des uns et des autres. Avec un nombre de séances restreint, il faut aller au plus significatif. La confrontation avec la nature, celle qui bouge à tout instant est une bonne expérience. Mes “gentils élèves” ont été servis et surpris de se retrouver parfois dans des endroits improbables que seuls les goélands pouvaient leur disputer.

Danielle et André prêts à prendre leur envol à la pointe du Percho.

L’équilibre est instable, mais la vue imprenable.

Rester concentrée en milieu délicat.

Dans le paysage perçu des premiers jours ce qui m’a incroyablement étonné, c’est l’abondant volume de verdure, son intensité, sa variété de nuances. Des verts épais et profonds comme sculptés dans la masse, mêlés aux tonalités tendres et lumineuses, à l’instar d’une absinthe avant le trouble du goutte à goutte. Une fois de plus, je me suis battu sang et eau avec cette verdure envahissante et souvent changeante.
Alors que la douce et belle campagne m’environnait totalement sitôt le seuil de la porte franchi, la possibilité du rivage, de la mer, du roc ne m’aura attiré que dans un deuxième mouvement.
Sur cette côte hérissée de rochers, planter mon chevalet et trouver un équilibre se fit parfois avec difficulté. C’est là au milieu de ces blocs noirs, par un petit matin frais alors que le soleil pointait à peine, que j’ai vécu ma plus belle rencontre. Silencieusement, tout timide dans son allure un peu “chiffonnée” un vieux monsieur s’est approché de moi en s’excusant presque de me déranger. Il portait un bonnet de marin en laine bien enfoncé sur un visage tranquille, une veste de toile décolorée qui avait vu la mer plus qu’il n’en fallait.
“Lorsque je vous ai vu de loin, en ombre chinoise sur cette pointe de rochers en train de peindre, j’ai eu un choc !”
Il y eut un silence, le temps qu’une vague vienne se fondre à nos pieds.
“En une fraction de seconde, ça m’a fait tout drôle, je me suis senti dans un autre siècle. J’ai songé immédiatement à cette époque fantastique des impressionnistes où les peintres se rencontraient dans la nature. Vous savez, le tableau de Courbet “Bonjour monsieur Courbet”…ça m’est apparu immédiatement. Mais là maintenant, c’est la réalité. Vous ne pouvez pas savoir combien ça me fait plaisir de vous voir.”
Nous avons parlé un bon moment, de peinture, de l’importance de la contemplation, de l’avantage et de l’inconvénient de l’âge, tout simplement de la vie qui est en nous. Nos phrases étaient suivies d’un long silence comme pour en peser véritablement le sens.

Sept petits coquillages Trivia, aux appellations nombreuses…porcelaine, grains de café etc.

Plusieurs fois mon visiteur m’a rappelé son plaisir d’échanger. Nous avons partagé un sourire complice et après un silence un peu plus long que tous les autres, il fouilla dans sa poche. Dans un mouvement silencieux il déposa à mes pieds, dans le creux d’un rocher, sept petits coquillages.
“C’est pour vous, un porte bonheur, pour vous remercier de la bonne journée que je vais passer grâce à vous. Je suis très content.” 
Il prit congé et disparut aussi discrètement que pouvait le laisser supposer sa frêle silhouette. J’étais confus et heureux en même temps. Cet échange venait de renforcer mon sentiment qu’avec quelques mots simples, quand les êtres sont capables de s’ouvrir aux autres, il est facile de trouver le chemin de l’intelligence. Finalement, dénué de haine et de préjugés l’être humain n’est peut-être pas si mauvais que ça 

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Le Tréport

Pendant les chaudes journées qui voient le thermomètre rougir inexorablement dès le point du jour, je n’ai qu’une envie, fuir vers une de ces contrées qui inspirent la fraîcheur. Je rêve de l’Écosse et de ses brouillards enveloppants, de l’Islande, et même plus, de Norvège avec son Spitzberg, des confins d’Ushuaïa que sais-je moi…
Finalement, un petit tour à la mer pour y trouver un peu d’air du large devrait suffire à me ressourcer. Tant pis pour le Spitzberg, ça sera direction Le Tréport à 200 km environ.
Ça commence mal. À peine quitté le parking et au bout de 5 minutes de route, embouteillage monstrueux en raison des travaux d’été. Je ne comprends pas pourquoi les travaux débutent toujours au début de l’été. Entre les vacanciers qui vont d’un point à un autre et ceux qui continuent de travailler, la circulation est nettement aussi importante que pendant le reste de l’année. Une demi-heure à piaffer cul à cul, dans la puanteur des gaz d’échappements. Des milliers de véhicules s’étirent sur des centaines et des centaines de mètres en lançant ici et là des éclats brillants de tôles déjà surchauffées.

L’arrivée de la diligence au Tréport. Jules Achille Noël (1878)

Le voyage se mérite et s’exfiltrer le matin de la zone nerveuse et susceptible qui ceinture la région parisienne n’est pas une mince affaire.
Il faut aborder Le Tréport par la petite route touristique D126, qui domine la mer et dessert d’une part de vastes parkings ainsi que l’accès au funiculaire. De l’esplanade qui surplombe la ville, la vue est absolument superbe et sous nos yeux, se dessine avec précision les maisons comprimées du vieux quartier des Cordiers. Une ville miniature apparaît ourlée d’émeraude. Au fond, les falaises de Mers-Les-Bains se dressent dans le léger voile atmosphérique. À droite, la vallée de la Bresle s’enfonce doucement à l’intérieur des terres agricoles. Indifférents à notre présence, les goélands accompagnent leur vol planant par des raillements sonores et incessants.


De manière incongrue, une balustrade ornée de deux vasques s’ouvre sur un ciel gigantesque. Au XIX ème siècle s’imposait là un luxueux hôtel qui comptait parmi les plus beaux palaces de France. Avec ses centaines de chambres, il accueillait Français et Anglais argentés. L’un des propriétaires de cet hôtel eut l’initiative de la construction du funiculaire (1908) qui permit à ses clients une liaison facile avec la ville. Hôpital militaire pendant la guerre 14-18, l’édifice prestigieux allait finir en décombres, dynamité par les Allemands en 1942. L’escalier d’entrée, rescapé du désastre et restauré par la ville demeure un modeste souvenir d’un glorieux passé touristique.

Tout proche (outre l’éternel débit de boissons) le bâtiment du funiculaire. Vous ne me croirez pas…il est gratuit ! La descente dure une minute et vous n’aurez pas le grand frisson tant la mécanique vous transporte en douceur. Monter et descendre est un jeu d’enfant. Un bouton pour appeler, un pour monter, un pour descendre. Quatre cellules effectuent la navette sans discontinuer. Garer sa voiture en haut des falaises et visiter la ville à pied est d’un confort absolument appréciable.

Le Tréport n’offre pas la plus belle plage de la côte d’Albâtre. Le gris est la couleur dominante. Les galets sont partout présents et crissent à la moindre vaguelette. Le front de mer se découvre pratiquement au pied du funiculaire. De celui-ci au phare, il est quelconque, cimenté, accompagné d’une barre d’immeuble des années 60/70 qui marque la ville d’une empreinte modeste.
Il faut passer le Casino pour trouver face au port, quai François 1er, les façades serrées et chatoyantes abritant de nombreuses échoppes et restaurants. Quelques touristes jouent leur rôle et nous allons aussi nous fondre parmi eux.

C’est là sur le port que se prépare le petit voyage en mer, qui nous mènera au pied des hautes falaises crayeuses de Mers-Les-Bains. Tout au loin Ault et au delà encore, la passe qui s’ouvre sur la baie de Somme. Nous faisons le plein de couleurs, de fraîcheur marine et de gasoil par la même occasion. Le retour sur le pavé à l’heure où le soleil est à la verticale, nous entraîne invariablement vers les restaurants aux terrasses largement ouvertes.

Une petite pause s’appréciera tout naturellement autour d’un déjeuner de plats de poissons. On peut toujours espérer en bord de mer et dans un port y déguster un poisson meilleur qu’ailleurs. Incertitude !
Dominant le port et la ville, l’église Saint-Jacques se dresse puissante sur un emplacement choisi dès le XI ème siècle.

Les ruelles montantes, nous mènent tranquillement vers l’édifice. Il est bâti sur les ruines de l’ancienne église paroissiale et le cimetière, effondrés au cours de la tempête de 1360. L’église est reconstruite, mais cette fois ce sont les Anglais et les Huguenots qui rasent le bâtiment. La troisième fois est la bonne, dans la deuxième moitié du XVI ème siècle, l’église Saint-Jacques s’installe définitivement sur le coteau. Le monument est typique de la région avec ses façades en damiers de grès sombre et de silex qui lui donnent une apparence un peu particulière.

À l’intérieur, une belle lumière exalte les 3 nefs en pierre de taille, de grès et de silex. Comme par enchantement un rayon dessine dans l’espace un bouquet de fleurs blanches en une offrande silencieuse.

Le porche du clocher, tour carrée qui protège l’entrée des vents venus de la mer, découpe dans son embrasure le port et l’immensité du ciel tout en transformant la moindre silhouette en théâtre d’ombres.
Notre promenade se traîne gentiment dans les ruelles du quartier des Cordiers. Lové au pied des falaises, ce quartier s’est construit au début du XVIII ème siècle. Les marins trop modestes financièrement pour se payer des filets, pratiquaient la pêche avec de longues cordes garnies d’hameçons et de vers de mer. D’où ce nom de Cordiers. Les rues sont étroites, parallèles comme pour couper l’action des mauvais vents.

Les petites maisons sont toutes étagées et décorées de balcons, de bow-windows, de statues et de motifs marins. Certaines entrées sont décorées de carreaux de céramique en faïence ou en grès et portent des noms amusants ou familiers. À l’emplacement même de ce quartier, Hitler souhaitait commencer l’édification du mur de l’Atlantique.

Avec le même flegme mécanique, le funiculaire nous remonte sans à coup sur le plateau calcaire où nous retrouvons notre voiture à l’intérieur chauffé à blanc. La climatisation nous accompagnera pendant les 2 h 30 du trajet retour. Malgré mes précautions pour ne pas subir l’embouteillage du matin, et modifiant l’itinéraire, nous rencontrerons tout de même un bouchon dû aux travaux. Des 25° affichés au Tréport, le retour en région parisienne se soldera par une température au delà des 35°.

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Morbihan, pointe du Percho

Mis en avant

Morbihan, la pointe du Percho. Ancienne batterie d'artillerie.

Morbihan, la pointe du Percho. Ancienne batterie d’artillerie.

J’ai toujours été fasciné et surtout impressionné par la puissance de la mer. Son mouvement, son vacarme accompagné du mugissement du vent. Il n’est pas nécessaire d’attendre une tempête pour se rendre à la pointe du Percho sur la côte sauvage de Quiberon. Là, quelle que soit la force ou l’amplitude de la marée, les vagues se fracassent avec puissance et parfois démence contre les blocs de granit érigés en sentinelles sombres. Le site est visité par de nombreux curieux, qu’ils soient randonneurs, touristes venus de loin ou tout simplement personnes du cru. Il y a toujours à voir et à ressentir.

Morbihan, la pointe du Percho. En surplomb, mouvement et puissance.

Morbihan, la pointe du Percho. En surplomb, mouvement et puissance.

En surplomb de la mer, cette pointe rocheuse est dès les premiers âges fréquentée par l’homme. Les hommes des mégalithes recherchent les belvédères qui seront propices à l’édification de sanctuaires. Le dolmen de la pointe du Percho orienté vers le soleil couchant, témoigne de l’intérêt du lieu et du sens sacré que l’homme a toujours concédé à la nature. Une petite bâtisse érodée, en pleine désolation marque le point le plus haut de la falaise. Injustement appelée “la maison des douaniers”, elle fut semble t’il, construite à destination militaire en 1696 et équipée de deux canons de marine. Jusqu’en 1918, elle portera le nom de “corps de garde”, ouvrage maçonné associé à une “batterie d’artillerie”. C’est en contrebas de cet endroit, dans un espace aérien, au contact de la roche que j’ai installé (dans un équilibre précaire) mon trépied et mes feuilles de papier ainsi que mes encres. Tout est solidement fixé pour éviter un catastrophique envol dû au souffle imprévisible venu de la mer.

Pointe du Percho. Encre noire sur papier.

Pointe du Percho. Encre noire sur papier.

Tout l’après-midi, les goélands me tiendront compagnie et s’approcheront insidieusement de mon sac pour tenter de me “chipper” un improbable morceau de nourriture. Gonflés les oiseaux !

Pointe du Percho. Encre noire sur papier.

Pointe du Percho. Encre noire sur papier.

 

Pointe du Percho. Encre noire et brou de noix sur papier.

Pointe du Percho. Encre noire et brou de noix sur papier.

 

Pointe du Percho. Encre noire et brou de noix sur papier.

Pointe du Percho. Encre noire et brou de noix sur papier.

 

Pointe du Percho. Encre noire, brou de noix et encre acrylique rouge sur papier.

Pointe du Percho. Encre noire, brou de noix et encre acrylique rouge sur papier.

La citadelle de Port-Louis.

Le premier pont et la première porte de la citadelle.

Le premier pont et la première porte de la citadelle.

Après avoir passé deux ponts puis deux portes fortifiées, on pénètre enfin dans l’austère citadelle de Port-Louis. C’est marée basse, mais on comprend vite l’intérêt stratégique de cette défense en bout de presqu’île. Commandant l’entrée de la rade de Lorient, l’ouvrage se présente sous un plan rectangulaire bastionné aux angles. À marée haute, la citadelle est entièrement isolée par la mer qui vient écraser ses vagues contre les hautes murailles. Pendant les guerres de la ligue, catholiques et protestants s’affrontent partout en France. Le gouverneur de Bretagne, le Duc de Mercœur expulse les protestants, partisans du futur Henri IV retranchés dans la ville de Blavet (nommée Port-Louis désormais). En 1590, trois mille Espagnols conduits par Don Juan Del Aguila viennent soutenir le duc,  mettent à sac la ville et massacrent les habitants. Don Juan Del Aguila relève les retranchements de la ville tout en posant la première pierre d’une forteresse qu’il baptise de son nom “fuerte del aguila” (le fort de l’aigle).

Avant de franchir la deuxième porte.

Avant de franchir la deuxième porte.

En 1598, le traité de Vervins met fin à l’occupation espagnole, les Etats de Bretagne demandent alors la démolition de la citadelle. Mais la destruction de celle-ci ne sera jamais complète. Deux bastions, une courtine, les piles du pont, les casernes, deux corps de garde et la chapelle restent érigés.
Après l’assassinat d’Henri IV, quelques insurgés, en juin et juillet 1610 commencent à rétablir le fort. Mais les années suivantes sont l’objet de bien des hésitations sur son édification. La citadelle est reconstruite entre 1618 et 1621, lorsque Louis XIII décide de donner à Port-Louis le statut de ville royale. L’aspect actuel de la citadelle date de cette époque et malgré les apparences, on doit peu de chose à Vauban si ce ne sont les édifices construits dans la basse-cour (arsenal et parc à boulet) à une date plus tardive.

Le plan de la citadelle. Une inspiration des fortifications Vauban.

Le plan de la citadelle. Une inspiration des fortifications Vauban.

En 1666, la Compagnie des Indes Orientales s’implante dans la rade de Port-Louis. La ville de Lorient se crée à cette époque, et la citadelle, comme poste avancé dans la défense de la rade est considérée comme une protection suffisante contre une attaque venue de la mer. Les quelques modifications qu’elle subit pendant cette période lui permettent de soutenir un siège : citernes, puits et jardins potagers sont aménagés au XVIII ème siècle.

Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale (elle est contrôlée par les Allemands de 1940 à 1945) la citadelle sert à la défense de la rade, puis elle est affectée à la surveillance du trafic maritime. Les derniers militaires quittent les lieux en 2007. Aujourd’hui, la citadelle abrite le musée de la Compagnie des Indes, le musée de la Marine, le musée des Armes, la donation Franck Goddio dédiée aux “Trésors des Océans”, ainsi qu’un important espace dédié au sauvetage en mer.
Le long des murailles, sur les bastions du fort, les goélands ont élu domicile et nichent en toute quiétude, sans se préoccuper des visiteurs. Les voiliers en fin d’après-midi, tirent quelques bords pour rejoindre Lorient, là-bas au fond de la rade, sous la protection superflue des lourds canons de fonte qui se décomposent inexorablement au gré des intempéries.

Croq’Rando dans le Morbihan

Avouez le ! L’espace d’un instant, en lisant le titre vous avez pensé au “croque” que l’on s’envoie au bistrot du coin pour combler un petit creux à l’estomac. Je le reconnais volontiers, vous pourriez concevoir que cet article est destiné à vous faire l’éloge gustatif d’une sorte de sandwich à la “sauce Bretonne”.

Le Bono, un joli port miniature dans le Morbihan.

Le Bono, un joli port miniature dans le Morbihan.

Une “croq’rando”, c’est la combinaison toute naturelle d’une balade au long cours qui donne l’occasion de sortir son carnet de dessins, comme d’autres sortent leur appareil photo pour immortaliser “Josette et Maurice” devant la mer alors que le soleil décline derrière les grands pins. C’est une première expérience de dessin en “live” pour l’ensemble des participants. Élisabeth, l’intervenante, conduira le groupe sur un circuit facile, émaillé cependant de sujets adaptés à la pratique du croquis. Chacun est là pour travailler, pour approfondir sa passion pour le dessin, et développer son sens artistique. Rendez-vous est fixé pour la balade sous le pont de St Goustan à 10h. Il fait frais en ce mois de mai et le temps gris et un peu sale ne correspond pas à ce que la météo nous avait annoncé.

À marée basse, la rivière laisse place à des vasières.

À marée basse, la rivière laisse place à des vasières.

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Le Morbihan, ce n’est pas que la mer…

Danielle, Maryline, Nathalie, Renée, André et moi-même, sans oublier Élisabeth démarrons enfin notre itinéraire en suivant le rivière en direction du Bono. L’idée est de faire des haltes à des endroits stratégiques, de poser ses fesses quelques instants, de sortir le carnet de croquis, d’embraser du regard le paysage présent et d’en traduire son esprit en quelques traits bien ajustés.

À la première halte, nous  dessinons debout. La position est volontairement inconfortable afin de ne pas rentrer dans les détails du sujet. Tout comme le sportif échauffe ses muscles avant l’épreuve, nous échauffons notre regard et notre main grâce à ce premier exercice. Étirements bono_08obligatoires. Il faut aussi dissiper la bono_07peur de la première fois, cette crainte d’être ridicule ou de ne pas réussir. Loin de tout jugement de valeur, le principe est de détecter la sensibilité et les possibilités créatives propres à chacun et de les valoriser. Le soleil arrive enfin, de plus en plus lumineux de plus en plus chaud. Sa présence bienfaitrice délie les langues, assouplit les corps. La rivière se pare de reflets d’argent, les frondaisons au loin prennent du volume, toutes les nuances de vert, percées de temps à autre de l’éclat or des genêts, éclatent sous la lumière.

bono_03Au soleil, les gestes deviennent assurément plus fluides. Le crayon caressse amoureusement le papier. Le plaisir de représenter est d’autant plus grand que l’infinie richesse de la nature s’insinue par tous les pores de la peau. Quand l’équilibre entre le corps et la nature est atteint, on éprouve un immense moment de sérénité. Tout baigne et la pose s’éternise un peu tant le bien-être est resenti par tous. Le temps passe sans regret pour une fois. Il faut bien cependant se décider à pousser un peu plus loin. Une souche tortueuse dans la lumière du chemin, suscitera bien des commentaires : “- on dirait une sorcière, un corps peut-être ou un gros serpent !”. La faim et la soif, commencent à attaquer les esprits. bono_12 bono_11 bono_10 bono_09Nathalie, en dessinant un arbre chargé de bouteilles et de sandwiches, nous donnera le signal du pique-nique. Arrivés au port du Bono, un petit café et une terrasse. Devant un verre de vin rouge, récompense de notre matinée de travail, on se croque nos bobines hsitoire de rigoler un bon coup. Le pique-nique est vite avalé et sur le quai, nous sortons déjà nos carnets de dessins. Le soleil est haut dans le ciel, à la verticale. La lumière est dure, les ombres très marquées. Il faut dessiner en noir et blanc pour ainsi dire. Les contrastes, les contrastes…Ceux qui ont décidé de représenter les deux ponts (l’ancien et le nouveau) qui surplombent le port, en seront pour leur frais. Il leur sera difficile de combiner des perspectives contrariées aux points de fuites improbables. Quelques badauds de temps en temps (peut-être Josette et Maurice) nous approchent timidement, curieux, approbateurs ou pas, puis continuent leur chemin. Il y aura peu d’échanges avec le public, à croire que nos deux mondes cohabitent sans pouvoir réellement se trouver. bono_02Bref, le principe était, sur le chemin du retour de dessiner, encore et encore, de saisir d’autres sujets, de profiter d’une lumière de fin d’après-midi. La journée hélas sera trop courte et c’est avec regret que tout le monde va presser le pas pour se retrouver au point de départ. Réunis autour d’un dernier verre (ben oui, on a eu très soif), les dessins sont exposés et commentés. Chacun fera un bilan très positif de cette croq’rando en souhaitant renouveler l’expérience. Des rendez-vous de principe sont évoqués. Pour ma part je décroche un peu. Les projets, même à quelques jours, ne me concernent plus. Je rentre sur Paris bientôt. Ma prochaine croq’rando participative en bonne compagnie, ne pourra se faire au mieux que…l’année prochaine. Adieu le Morbihan, ses paysages fabuleux, sa lumière sculpturale et ses averses imprévisibles. Quatre saisons en une seule journée disent les Bretons et c’est bien vrai.

Nouvelles aquarelles

De l'eau, de la couleur et des pinceaux.

De l’eau, de la couleur et des pinceaux.

Ces toutes dernières aquarelles, mélangent paysages du Morbihan et paysages du Cotentin. Je ne garantis pas l’exactitude des lieux. L’intention est de parvenir à représenter des espaces qui paraissent véridiques tout en y intégrant des éléments qui sont étrangers au lieu ou déplacés. La représentation figurative, n’est finalement pas synonyme de vérité. Chaque réalisation est donc construite en empruntant ici et là formes et couleurs pour finalement créer un univers dans lequel j’aime “voyager et me fondre”.

Aquarelles en Morbihan

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Les grands godets porcelaine Winsor & Newton, plus pratiques pour les grands formats.

Le Morbihan m’aura permis d’entrevoir et de m’essayer à l’aquarelle sur d’autres paysages que ceux de la région parisienne. Paysages aux ambiances mouvantes, changeant au rythme de l’avancée des nuages. Course contre la montre pour s’installer et remballer tout le matériel avant la prochaine averse. Calcul des heures de marée, qui influence la lumière, les couleurs et que l’on doit respecter sous peine de finir les pieds dans l’eau. “N’est-ce pas Élisabeth ?”.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

En bord de mer ou dans la campagne, la tranquillité du peintre.

L’aquarelle, c’est bien le jeu de l’eau…mais point trop n’en faut ! Je suis resté fidèle à mes gros godets procelaines et mes gros pinceaux. Un choix raisonné pour travailler sur des grands formats (50 x 60) sans trop tomber dans le détail. Le bilan est plutôt positif puisque je peux comptabiliser une douzaine de peintures sur deux semaines de travail. À renouveler donc.

Cotentin à la marge

Dunes d'Hattainville

Dunes d’Hattainville

De lourdes barres roulantes et broyantes, filent à l’unisson des vents venus au-delà des îles anglo-normandes. L’obscurité chahute avec le demi-jour. Chaque déchirure révèle soudainement les êtres et les choses qui se trouvent là ! De son voile de carbone le ciel enveloppe le paysage, le malaxe jusqu’à plus fin pour en extraire toute sa débonnaire douceur et lui donne alors une dimension fictionnelle. La presqu’île du Cotentin s’avance  en mer au plus profond, telle un navire dont les flancs blanchis d’écume narguent le ressac. Au-dessus de ma tête, lumière et pénombre se livrent un combat digne d’une tragédie wagnérienne. Les chemins d’hier, creux et ombragés, si prompts à protéger contre le souffle né de la mer, sont devenus opaques et profonds, et semblent diriger le promeneur vers la couche d’une sombre créature diabolique.

Les “mielles” sauvages et dénudées, courbent l’échine, assouplissent leurs crêtes sous les assauts du vent. Arbres et oyats plongent leurs racines torturées au plus profond de la matrice pour gagner une fois encore le droit à la vie. Ruisselant sous une lumière crépusculaire, le sentier à hauteur de goéland, n’est plus qu’une vilaine scarification faite à la côte et tente par un dernier détour d’honorer quelques religieuses ruines.

Sous la chapelle, au plus sombre d’une anfractuosité, en veines rougissantes, affleurant la roche noire encore humide, le sang indélébile du dragon de Carteret – vaincu par St-Germain-Le-Scot – renaît à chaque jusant dans l’imagination des hommes.

Sur le havre, dans un appel pathétique, quelques épaves rongées au sel, tentent d’attirer le regard en espérant entreprendre – peut-être – un ultime voyage. Déconstruits, reconstruits, remaniés ou défigurés, manoirs et propriétés sont figés dans leur silence. Nulle cour ne résonne des murmures de la vie. Nul parc ne s’anime des jeux d’enfants. La lumière passe indifférente sur les façades alors que dans l’ombre des tours se cachent de glaciales tragédies. Le chateau des Ravalet n’a t’il pas accueilli les amours incestueuses de Julien de Ravalet et de sa sœur Marguerite. Les deux beaux jeunes gens, dont la tendresse remontait à l’enfance furent décapités en place de grève par une froide journée de décembre à Paris en 1603.

Inspiré par cette terre bordée par la mer et envahie par les marais, l’esprit de Jules Amédée Barbey d’Aurevilly n’a de cesse de vivre dans chaque lieu, dans chaque demeure autour de Saint-Sauveur-Le-Vicomte. Sa modeste tombe, désertée, soupire d’ennui dans l’ombre bleue du massif donjon, monolithique survivant de la guerre de Cent Ans.

Sous mes yeux, tout se recrée, se fond et se confond. Ma vision n’est plus que le mélange de la matière brute saisie à celle de sédiments personnels longuements maturés. Chaque élément qui m’entoure devient le déclencheur d’émotions plus profondes, naviguant en basses eaux. Il me faut laisser la force du visuel s’éroder lentement. M’en imprégner pour mieux le rendre, non pas conforme à ce que les autres en attendent, mais l’habiter de manière intime, le faire renaître chargé de sa proppre histoire. Ainsi, l’image n’est plus une image, mais devient un lieu incarné. Le brillant de l’éphémère immédiateté s’efface au profit de l’essence même du sujet. Il ne s’agit plus de reproduire les choses telles qu’elles sont vues, mais telles qu’elles sont ressenties. La couleur a déserté les images. Comme si l’habit chromatique avait été trop clinquant, trop “m’as-tu-vu”. Les musiciens le savent bien, la partition a beau être écrite en noir et blanc, l’interprétation libère les plus belles “couleurs que l’œil puisse entendre”.

(Clic sur l’image)

Retrouvez mes photos sur le site Regard Perdu.