Renaissance

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La vague avait passé. Perfide, affreusement silencieuse et dissolvante. La vague avait investi langoureusement mais inexorablement le havre. Soulevé les chalands comme de vulgaires semelles, que de braves gaillards d’hommes s’épuisèrent à amarrer tant de fois, que leur boute cédant, laissa partir au large leur gagne pain.
La vague avait passé et sur les berges ruinées les herbes folles frémissaient encore de stupeur. Dans un désordre échevelé, elles mollissaient au vent, soyeusement mêlées formant un ondulant tapis.

Sur la grève à l’écart, là où le marin remise son attirail et confine sa pêche dans un baraquement – tout en le protégeant
du mauvais temps – la vague avait tout emporté. Au clou, chaque jour l’ouvrier délaissait son bonnet de marin. Le sel avait nettoyé l’acier de sa rouille jusqu’au cœur.
La lourde porte couleur de ciel contrarié, avait été chahutée si bien d’un côté et de l’autre que, sortie de ses gonds, elle gisait désormais sur le sol de béton.

Sur les murs carrelés, l’électricité échappée de ses gaines épousait le moindre filet d’humidité. Des arcs lumineux surgissaient en crépitant, couraient d’un mur à l’autre autour de moi. L’esprit de la vague habitait encore l’endroit et ne semblait pas vouloir l’abandonner. J’étais l’importun dans l’antre du Léviathan. Alors que le paysage tout proche s’éclairait déjà de pastel sucré, au loin le faîte des grands arbres pliait toujours sous la force de la tempête. Derrière la désolation, au beau milieu des décombres dispersés par la vague, une tâche rouge émergeait, droite, insolente. M’approchant, je vis une fleur à la bouche écarlate. Ses lèvres veloutées s’entrouvrirent pour me parler.

“Vois le lien qui m’unit à la terre. Comprends combien un simple geste adressé en toute innocence, me touche et me fait sentir si forte. Respecte ce fil ténu désormais enlacé autour de mon corps. Il est devenu nécessaire à ma vie, à ma joie, à ma beauté. Sois comme ce brin tendu. Donne ton âme, ton corps au monde et à l’espace. Repousse le Léviathan au fin fond des abysses car lui, ne recherche qu’une seule chose sur cette terre : retrouver le chaos originel.”
Alors que ces mot résonnaient encore en moi, je sentis la vague perverse, gronder avec force et venir sur moi. Je fus soudainement soulevé dans une lueur translucide. Mes yeux s’ouvraient sur des formes diluées, évanescentes et claires.

Le sol n’en finissait pas de disparaître. Mon esprit vacillait peu à peu. Ma force s’amenuisait. Mon corps tout entier s’abandonnait aux douces clartés qui m’appelaient d’une voix si cristalline. Autour de moi une chevelure d’ange se développa, fine, douce, m’enroba d’un voile tissé d’un fil de lumière. L’étreinte se resserra jusqu’à ce que je ne puisse ni bouger ni respirer. Asphyxié je dus fermer les yeux.
Lorsque je revins à moi une douce brise effilait quelques nuages cotonneux.
La mer profonde et assoupie jouait de son ressac comme à l’accoutumée. L’abominable avait enfin rejoint son antre. Le jour renaissait. Il allait faire beau.

L’ivresse de la haine

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Oleksandre Matsievskii (encre sur papier 14×22 cm)

Que vaut l’interdiction de tuer pendant la guerre.
La guerre dépasse les bornes. Elle dépasse la conquête des espaces autant qu’elle réduit le champ des libertés. Le monde subit l’effondrement des valeurs, y compris dans les rares territoires qui ne sont pas engagés.
Qu’un homme soit disposé à tuer ou attaché à la valeur sacrée et universelle de la vie, peu importe.
Tout est perverti dans la guerre.
Soldats et civils se mêlent au chaos. La distinction entre l’arrière et le front vole en éclats et le meurtre de guerre flirte avec l’assassinat.
Pour les soldats, tuer est un devoir. Tuer est vertueux. La guerre brise toute morale et ce nouvel ordre établi, procure parfois à l’homme l’ivresse du sang et de la cruauté.

La guerre éduque à l’inhumanité.

Texte extrait du documentaire 1942 (femmes, hommes, et enfants, racontent l’année 1942)

In Naturalibus

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Huile 21x29cm

Je dois posséder dans des cartons quelques milliers de croquis réalisés à l’atelier de de Modèle Vivant. J’ai souvent pensé qu’il était dommage de ne pas profiter de tous ces dessins tout en me demandant comment je pourrais en tirer parti. Devaient t’ils dormir tranquillement dans l’obscurité de ma cave et se dégrader peu à peu, rongés par le temps. Ou prendre vie en retrouvant un peu de lumière.
La difficulté que j’ai toujours ressentie à l’utilisation d’un croquis, c’est que, dans ses lignes très libres et sans repentir, il possède une force brute qui est pratiquement intouchable. Un croquis est une fin en soi. Le croquis doit fuser de la main. La spontanéité bannit de ce fait tout recours à la gomme. Du croquis à la peinture, il y a un parcours à inventer, la nécessité de le re-interpréter. Et bien souvent de passer à côté du meilleur.

Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm


Si le croquis de nu fixe rapidement par quelques traits noirs l’essentiel d’un modèle, il n’en est pas moins relativement dématérialisé. Le croquis de nu n’a pas de volume, pas de contenu et c’est le rôle de la peinture de lui apporter les ingrédients nécessaires pour lui rendre un aspect plus charnel. Quels tracés essentiels conserver. Quel espace créer autour de la figure et quelle ambiance colorée lui offrir. Le questionnement nait du besoin d’assurance, de la nécessité de limiter l’inconnu, d’anticiper le coup d’après. Il s’avère que la réponse arrive très souvent de manière toute naturelle dans l’action. Garder, ajouter, transformer ou reprendre à l’identique, voilà le jeu progressif, toujours excitant. Modeler, assembler, puis gratter la couche comme on gratte une peau, redessiner les formes, ambiancer, développer une profondeur. C’est le jeu du “stop and go”.
La peinture est une guerre de mouvements.
(Les peintures originales sont au format 50×65 cm pour une partie et 16×24 cm pour les formats les plus petits.)

Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm
Huile 50×65 cm

Têtes d’affiches

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Il m’arrive de temps en temps de faire des tentatives techniques. Je me dis “tiens et si je faisais ça comme ça !”. J’ai compris qu’en changeant sa manière de faire, en faisant des essais de toute sortes, on découvre tout un tas de nouvelles possibilités. On finit par ne plus avoir d’appréhension face à la technique, les outils se banalisant on donne plus de place à l’expression. Bien connaître les possibilités des outils en sa possession me paraît indispensable et développer leur utilisation est nécessaire. Alors autant se lancer dans l’aventure. Pour cette série de portraits, j’ai mélangé pastel sec, oil stick et peinture à l’huile. J’ai déjà parlé des bâtonnets de couleur à l’huile ici (oil stick Sennelier), de leur qualités et défauts. Véritable huile solide, ils se mélangent parfaitement avec l’huile traditionnelle. Ne pas oublier que leur utilisation se fait surtout en y mettant les doigts. Donc, des gants en latex peuvent être recommandés.
J’ai selon les cas, commencé à dessiner et mis en place la couleur avec du pastel sec. Puis fixé celui-ci avant de revenir sur la base avec les sticks ou la peinture à l’huile. Ça fonctionne très bien. Le pastel sec ne se mélangeant pas avec l’huile, j’ai pu m’en servir en le laissant apparaître parfois entre les touches de peinture. Le plus gros avantage que je vois aux bâtonnets de couleur (huile ou pastel), c’est cette rapidité qu’il y a à poser une couleur sans avoir à la fabriquer sur la palette. C’est très instinctif. Et en travaillant avec une gamme limitée, des couleurs inattendues, voire un peu “sauvages”, peuvent apparaître faute de choix.

Hiver en Vaucluse

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Église de Sainte Colombe.

Petite escapade dans le Vaucluse au pied du Mt Ventoux en cette fin de janvier. Le soleil et le ciel bleu assurés. Il fallait aussi compter sur des matinées particulièrement froides. Les gelées quotidiennes n’ont pas eu raison de ma détermination à poser ma boîte de peinture sur le motif. Dire que peindre au lever du jour par moins 5° fut agréable et facile, serait exagérer. Contraints par une grosse parka, mes gestes sont gauches et mécaniques. Le froid peu à peu rigidifie mes doigts. Peindre avec des gants me fait perdre la sensation des appuis, de la précision. Le manche des pinceaux glisse entre mes doigts. Les après-midi seront bien plus agréables. En cette saison, les paysages sont lumineux et magnifiques, teintés principalement d’ocre, de brun qui virent selon l’heure et la lumière aux nuances de mauve et de rose. Quelques touches de vert parfois tendre, parfois sombre ponctuent des parcelles incertaines. Les rangées de vignes plantées sur le sol calcaire, dessinent des lignes parallèles en descendant mollement la pente des vallons. Quelques chênes, par leur position dominante, magnifient des bosquets en conservant à leur cime une parure de couleur or. Dans le lointain, sur l’horizon occulté par les premières pentes du Ventoux, une fumée laiteuse monte paresseusement vers le ciel. Un chien aboie quelques instant, et le silence paisible revient, m’enveloppe de nouveau. Il ne reste plus que le chuchotement du pinceau posant la couleur sur le support.

Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève. Au loin Bedoin, en fond les Dentelles de Montmirail.
Combe de Saint Estève. En fond le Ventoux enneigé.
Combe de Saint Estève.
Combe de Saint Estève.
Sortie de Sainte Colombe. Sur la route du Ventoux.
Combe de Saint Estève. Les vignes.
Bedoin, combe de Curnier aux Colombets.
Sainte Colombe.
Combe de Saint Estève. Les vignes.
Bedoin, les Couguious et la falaise d’ocre.
Les Bruns depuis la combe de Saint Estève.

L’avenir est passé

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Passent les heures, passent les jours, les années et s’enfuit le temps comme le sable du désert coule entre des doigts gourds. Combien de silhouettes devenues vacillantes, de visages fugitifs, de voix atones peuplent mes souvenirs. Il y a les figures des proches qui ont fait le miel de mon enfance, souvent la contrariété de mon adolescence et ont révélé mon impuissance face à leur déclin. Combien de vies croisées, d’hommes et de femmes rencontrés, salués amicalement ou enlacés affectueusement dont je ne sais plus rien…de leur existence ou de leur absence. Des vides se créent et ne se comblent que de fugitives illusions. Ceux qui se sont perdus en route, ne retrouvent que rarement le chemin. À force d’attendre, de remettre à demain, la trace ténue qui nous relie s’estompe pour devenir aussi discrète qu’un fil de soie.
Parfois, sans avoir fait appel à quelque incantation, un visage, une voix réapparaissent pourtant et prennent possession de mon esprit. L’incarnation est éphémère et entretenir un lien avec elle est tout aussi impossible. Un avatar n’est de nulle part et n’a rien à dire. Je me retrouve alors stupide, face au miroir à sonder dans la profondeur des reflets ma propre solitude et à douter de ma réelle existence.

Portraitiste déjà.

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Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir les dessins de ma petite fille de 15 ans qui s’est lancée dans les portraits de ses copines et copains à partir des photos qu’elle a faites. Je suis très fier d’elle et un peu de moi aussi pour l’avoir initiée et encouragée à ne jamais abandoner le dessin et la peinture.
La construction du visage, les proportions sont bonnes, ombres et lumières sont parfaitement placées, l’ensemble est cohérent sur le plan de la couleur…et déjà un certain style.
Maintenant, il faudra aller plus loin encore et toujours.

Il était une fois

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Le livre existe pour raconter des histoires. De vrais histoires d’hommes, d’animaux, de plantes. Des fables qui racontent un autre passé, un futur qui n’existe pas et aussi des paraboles mille fois refaçonnées pour rassurer l’être face à l’inconnu.
Si le livre écrit a ses mots pour faire rire, pleurer ou réfléchir, et s’il m’emporte vers la culture de l’esprit, le livre d’images avec ses empreintes colorées sur papier blanchi, possède à sa manière une autre force d’évocation.
L’album photo familial sitôt entrouvert, exhale d’entre ses pages plastifiées, la joie, l’amitié, l’amour réussi ou l’amour trahi, la naissance ou le souvenir de la disparition. C’est étonnant comment ce catalogue de moments passés, parvient à revisiter l’histoire des uns et des autres. Sur les plus vieilles images imprégnées de blanc et de gris, parfois floues ou à la limite de l’effacement renaissent incessamment les personnages qui ont accompagné mon parcours.
A cette époque, la photo devait fixer pour “presque” l’éternité le mieux que nous étions. Il fallait observer la cérémonie du “bien habillé”, du sourire et surtout celle de l’immobilité en fixant l’objectif.


Dans le vieil album photo certaines vies silencieuses attendent impatiemment mon passage. Sous mon regard indulgent elles s’animent, reprennent de la couleur. Le récit se fait tantôt drôle tantôt dramatique. Je me moque gentiment…un peu, et parfois même beaucoup. Non mais, comment étions nous accoutrés à cette époque!
Sous mon œil observateur, un détail ignoré apparaît et recompose la scène avec un nouvel éclairage. La photo, c’est cet instant là, précis, celui qui défie le temps. Elle devient le rocher immuable à l’ombre duquel coule une source. Alors quand les visages aimés s’effacent de ma mémoire, quand le grain de leur voix faiblit, je me penche humblement sur l’onde claire.
Sur la photo, il y a les êtres qui sont, ceux qui ne sont plus et ceux qui se sont perdus dans les pages. Partis, sans un aurevoir, dans l’indifférence parce que…parce qu’il y a tant de raisons d’oublier les autres pour ne pas se détourner de son empressement. Tiens, mais comment s’appelait-t’il déjà, qu’est-il devenu ?


Dans ce grand recueil de vies passées et à grandir, tout le monde y est beau, les sourires me sont adressés comme un hommage, un éternel encouragement pour l’avenir.
Malgré l’absence de couleurs, l’image raconte la clarté ocre d’un jour d’été. Je ressens encore cette ambiance chaude et cette lumière si dure, si haute qui me faisait cligner des yeux et souligne mon visage d’une ombre comme si je portais un masque. Je me souviens bien de cette couleur vert tendre que tu portais. Par contre, je ne sais plus qui tu regardes en dehors du cadre. Ta petite “mère” aux bras si doux et au baisers si tendres ou un inconnu qui semble t’inquiéter.
Les photos d’autrefois méritent bien plus qu’une place au profond d’une armoire aux senteurs de naphtaline ou de santal. Les vieilles images sont des messages sans cesse renaissants auprès des générations futures. Elles sont un monde entier, un monde en soi, que personnellement je ne saurais oublier.

Le printemps déjà !

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La canicule de cet été a brûlé tous les arbres du parc et leurs feuilles sont au sol en couche épaisse comme en automne. Pourtant en quelques jours, et aujourd’hui 12 septembre 2022 dans le Morbihan, pommiers et poiriers sont en fleur comme au début du printemps. Que nous annonce donc ce chamboulement de saison pour cet hiver. La nature est tellement perturbée que les plantes ne savent plus quelle attitude adopter…un peu comme nous en quelque sorte !