
Lucane aussi appelé couramment “cerf-volant”
Je me souviens dans mon enfance, nous étions des garnements toujours prêts à parcourir prairies et forêts à la recherche d’un potentiel ennemi soit-il déguisé en indien ou simplement doté d’un chapeau de cow-boy.
Malgré notre affairement à la pacification de notre territoire, et quoique les adultes puissent penser de l’attention des enfants, nous n’en étions pas moins attentifs à la nature environnante. En fait, nous l’examinions à notre échelle et à notre hauteur. Plus celle-ci se présentait de façon minuscule, plus nous avions le sentiment de pouvoir la maîtriser. C’est ainsi, que nous dénichions près des châtaigniers, mais le plus souvent à proximité des gros chênes, cet insecte caparaçonné aux imposantes cornes que nous appelions “cerf-volant”. Le lucane ou Lucanus cervus de la famille des Lucanidae.

Dressé sur ses pattes en signe de défi.

Des mandibules impressionnantes même pour un humain.
Parmi les valeureux guerriers que nous étions, il en fallait toujours un, plus courageux que les autres pour se saisir du monstre. Contrairement à ce que l’on croyait, le mâle avec ses grandes “défenses” pinçait beaucoup moins que la femelle avec ses mandibules très courtes et très puisantes. Mais, la plupart du temps, nous ne trouvions que des mâles que nous présentions face à face en nous réjouissant à l’avance d’un combat de “titans”. Après s’être précipités l’un vers l’autre, et saisis dans une étreinte brutale, arc-boutés tête contre tête, les deux guerriers s’immobilisaient subitement, mandibules entremêlées. Notre impatience était à son comble. Du bout d’une brindille, nous aiguillions l’un puis l’autre. Mais rien n’y faisait. Était-ce le besoin de reprendre des forces avant un nouvel assaut ou le temps nécessaire de mettre au point une stratégie de victoire. J’avoue n’avoir jamais vraiment compris selon quelles règles, définissant les combats, l’un des protagonistes abandonnait la partie. Lorsque nous trouvions une femelle, nous ne manquions pas de la mettre en présence d’un gros mâle. Mais, la plupart du temps, il ne se passait pas grand chose. La rencontre ne provoquait pas en nous l’excitation que nous procurait l’affrontements des mâles.

Des cornes de taureau et l’étreinte se resserre.

Une trompe ou une défense menaçante…
Je n’avais plus entrevu de lucane depuis ces moments de l’enfance. Et là, aujourd’hui, sous mes yeux, un magnifique spécimen se promène paisiblement sur une vieille bûche de chêne dans le jardin. Petit insecte courageux, l’approche de l’objectif photo le fait se dresser mandibules écartées dans un geste de défi. Je ne peux qu’admirer ce courage malgré l’aspect dérisoire de l’intimidation. Si je devais faire de l’anthropomorphisme, je miserais sur l’inconscience et la présomption de l’insecte. Mais, la nature même du lucane est tout simplement de défendre son territoire et de préserver son espèce. Précisément, l’espèce tend globalement à se raréfier et est désormais protégée. Elle fait même l’objet d’une enquête nationale depuis 2013. Sur son écorce, le temps de quelques photos, le cerf-volent est resté pétrifié. La séance terminée il a repris sa marche lente et saccadée pour disparaître enfin entre deux rondins. Les jours suivants, j’ai tenté vainement de le rencontrer à nouveau, mais il avait définitivement disparu.

Caparaçonné comme un monstre antédiluvien.

Il s’en fut en père peinard.